Alors qu’on célèbre un peu partout le retour de This Heat et qu’on loue la fraicheur et la pertinence d’une musique vieille de plus de trente ans, voici que d’autres "trentenaires" goûtent aussi, mais dans un tout autre genre, aux bienfaits de l'éternelle jeunesse.
Les Australiens de The Necks n'ont rien perdu de leur vitalité ni de leur éclat – au contraire. Eux, seulement, contrairement à leurs congénères anglais, ne sont jamais partis - même pour mieux revenir. Formé en 1987 à Sydney, le trio composé de Tony Buck, Lloyd Swanton et Chris Abrahams s'est formé sur les cendres de leurs projets respectifs, mus par la volonté de ne ressembler à rien de connu. On pense dans cette volonté de s'affranchir de toute règle à This Heat, bien sûr, à la différence près que les Australiens étaient des musiciens venant du sérail classique, alors que Gareth Williams n'avait jamais touché à un instrument avant de jouer avec les pionniers post punk, par exemple.
Une carrière longue de trente ans donc, mais pas d’anniversaire, de coffret rétrospectif et encore moins de séparation en vue pour The Necks. En 2017, le groupe trace toujours sa route dans son coin, aux confins du jazz et de la musique improvisée, sans jamais regarder en arrière, mais sans coup d'esbroufe non plus, de changement abrupt d'esthétique propre au rock ou de métissage des genres typique de la pop contemporaine.
C'est peut-être même paradoxalement grâce à sa constance, à sa volonté de toujours creuser le même sillon, de se nourrir des mêmes sources, que The Necks doit aujourd'hui sa vitalité toujours intacte. Comme le batteur Tony Buck l'indique dans une interview donnée pour le Guardian en 2015, il y a eu très tôt chez eux une volonté de ne pas faire les malins, de laisser la musique couler d'elle-même, de "retirer l'intelligence de l'équation". Si bien que le trio a développé une idiosyncrasie presque autiste, propre au groupe et à lui seul.
crédit photo : Ric Brooks
En concert, leurs improvisations peuvent durer indéfiniment, entre deux et trois heures, s'étirer sur un même morceau ou dans la multiplicité des mouvements. Sur disque, le groupe travaille souvent toujours la seule et même piste, peu coutumier des tracklistings ou des albums concepts.
Leur nouvel album, Unfold, sorti fin février sur Ideologic Organ (label de Stephen O'Malley de Sunn O))) et sous-branche des Editions Mego) est tour à tour psychédélique, mélancolique, fiévreux, abscons, abstrait, expérimental, virevoltant et contemplatif. Surtout, il ne ressemble à aucun autre de la discographie de The Necks. C'est pourtant le 19e album du groupe, mais c'est aussi celui sur lequel le trio bouscule ses habitudes. L'album se compose de quatre pistes indépendantes les unes des autres, mettant à mal l'idée de linéarité et de complémentarité du format album. Unfold est ainsi plus ramassé, plus intense, mais aussi paradoxalement plus éclaté que les derniers disques du groupe.
Dessus, The Necks invite l'auditeur à créer sa propre trame, en ne numérotant pas les pistes et en laissant comme toujours les choses suivre leur cours naturellement. Il ressort de l'écoute du disque et de son titre programmatique une sorte d'interaction directe avec celui qui écoute : découvrez les couches et les pelures de l'album, plongez-vous dedans comme bon vous semble. L'ordre importe peu, seuls comptent la simplicité et l'abandon du jeu, la patience de se laisser guider par le cours naturel des choses. En somme, ce que fait The Necks depuis maintenant près de trente ans.
Le nouvel album de The Necks, Unfold, est sorti fin février sur Ideologic Organ. Il est en écoute intégrale ci-dessous :
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