Ma chère Annie,
Depuis le 30 novembre 2011, date à laquelle cette interview à eu lieu, plus rien n’a la même saveur. Le café est froid, l’air est humide, la vie tourne au ralenti. Cela fait un moment qu’on essaye de te parler, Annie. J’imagine que tu es toujours trop occupée pour répondre. Et tu sembles voyager tellement, tu dois souvent être dans des endroits sans connexion wifi, évidemment tu n’as pas tout le temps accès à ta boîte mail.
Et puis enfin ce jour est arrivé. C’était dans un bar de jeunes à Paris, une ville romantique, que tu es venue à notre rencontre. Tu nous a dit “Hi” et puis tu t’es sagement endormie sur ta chaise pendant qu’on galèrait à faire marcher la caméra. On avait oublié de mettre une carte dedans, sûrement l’émotion.
Car dès le début on savait que c’était toi.
Sache le Annie, même lorsque tu étais en proie à cette horrible secte de hippies en toges, tous les regards se braquaient sur toi, et la toge, tu la portais comme personne. Je me souviens à la Route du Rock en 2005, vous étiez 20 sur scène. Et au jeu un peu aviné du “Et toi, tu choisis laquelle?” tu avais récolté tous les suffrages.
On sentais chez toi, le poids d’une éducation austère si propre au Texas, saupoudrée par la fantaisie qu’insufflait ton oncle Tuck Andress dans ta vie d’artiste. Et c’est bien parce que c’est toi, Annie, que je ne ferais pas de commentaires sur la coupe de cheveux de ce cher Tuck Andress, qui tout grand guitariste qu’il est, à vraiment du boulot à faire sur son swag. Merci à lui pour t’avoir mis le pied à l’étrier.
Alors pourquoi cette fixation sur ton cas, Annie? Pourquoi diable, nous autres, avides de sons distordus et de cris de chats violés dans les parkings, nous sommes-nous intéressés à ton cas? Peut-être était-ce de te voir porter de tes bras frêles des reprises de Big Black ou d’accompagner ce vieux pochetron de Glenn Branca lors de ses symphonies pour 100 guitares. Peut-être était-ce cette facilité à marier musicalement les sucrettes et le pâté, une recette dont tu as le secret. Nul ne le sait.
Tu nous as dit que tu étais fascinée par ces femmes au foyer américaines des années 50 et 60, déprimées, gavées de calmants. Des femmes au bord de la crise de nerf. C’était évidemment un appel au secours, dans ta prison dorée tu dois surement rêver à une vie plus simple. Une vie dans laquelle tu pourrais faire du tapping sur la pointe des pieds en ayant pour seul public la nature et les animaux sauvages. Plus de promo, de clips. Rien que toi, ta gratte et l’univers, Annie.
Ca, nous l’avons compris.
Et même si pendant l’interview tu as fait semblant de ne pas savoir qui nous étions (par timidité sans doute), je ne t’en veux pas. Je te pardonne même d’avoir joué avec Sufjan Stevens.
Je te pardonne également de ne pas avoir insisté plus que ça lorsqu’un méchant attaché de presse nous a sommé d’arrêter l’interview. Tu aurais pu te livrer ainsi pendant des heures, des jours, mais tu as préféré une attitude digne, bien entendu. Tu es partie en nous faisant un petit coucou de la main, et même si on était un peu juste en monnaie pour payer le jus de fruit auquel tu n’as pas touché, nos coeurs étaient comme réchauffés par une petite laine d’hiver.
Bien à toi.
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