Avis aux amateurs de bollito misto, des romans-monde de Carlo Emilio Gadda et de baroque Lucio Fulcien, le troisième album de Turzi est un gros, très gros morceau. Construit en 9 épisodes épais eux-mêmes découpés en tronçons denses et lumineux comme des rêves felliniens, C est même le plus gros édifice bâti par Romain Turzi et son gang de geeks depuis qu'ils ont déboulé sur la scène parisienne au début des années 2000.
Inspiré par une nuée d'oiseaux et autres galinacées dont le nom commun en français commence toujours par la lettre C (du coucou au condor en passant par le coq ou le cardinal) et, ça a tout l'air d'être sans rapport, la Villa Médicis de Rome, haut-lieu du rayonnement culturel français depuis le 19ème siècle posée sur le plus beau des monts de la ville dont les récits de décadence post-jacklanguiennes feraient presque oublier qu'elle hébérgea autrefois quelques dignitaires la dynastie Médicis, l'album italien de Turzi s'épanche sur une constellation de références musicales, audiovisuelles et oniriques totalement transalpines mais sans s'en faire un dogma béta.
Derrière les thèmes chantés haut-perchés par la soprano baroque Caroline Villain qui font évidemment référence à ceux changés par la grande Edda Dell'Orso sur des centaines de b.o. du Maestro Morricone, on trouve ainsi des enfilades de clins d'oeil improbables, d'adaptations impressionnistes et de résidus obsessionnels lâchés en pâture aux critiques branchés politique des auteurs. Le vaillant "Cormoran" notamment, qu'on vous propose d'écouter en guise de préambule, s'offre à la fois comme un concentré idéal du disque et comme sa plus belle anomalie. Sorte de moment francophile, fier, limite chauvin de l'album, ce double-programme posé pile au milieu de l'album propulse une escalade harmonique digne de de Roubaix ou Vladimir Cosma sur des chapeaux de roue psyché avant de dériver, encore une fois, vers le Jean-Michel Jarre techno anxieux et controversé de Zoolook. On vous le dit tout net parce qu'on adore beaucoup les rubik's cube de Fairlight et les parties de slap de Jannick Top de ce dernier, on aime beaucoup.
Mais comme on n'a toujours pas réussi à rentrer jusqu'aux pieds dans le gros C, on vous propose en bonus une solution altenrative pour vous y faufiler, plus pétillante et un peu moins longue compliquée: la relecture de biais de "Condor", amuse-bouche corsé qu'on s'écoute en boucle depuis qu'il a débarqué sur Youtube en décembre, par Bumblee alias Amélie de Bosredon du duo synth pop pupute Jupiter, où cette dernière s'essaye avec délectation à une trahison en bonne et due forme puisqu'elle transmute son thème grandiloquent dans une missive electro house très produite, heureusement pas trop rapide mais limite hors-sujet, du genre qui peuplait les mixes Kitsuné il y a quelques années. Choisissez votre poison en attendant de vous infliger C en entier, dont la sortie est prévue le 16 mars chez Record Makers.
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