Il y a deux genres de disques sur la Terre: ceux qu'on a envie d'illustrer avec des photos de synthés et les autres. Comme en attestent la photo ci-dessus - détail du panneau d'un Minimoog - et l'album en écoute ci-dessous - l'étrangement titré Objet petit a (on y reviendra) - le collectif parisiano-montréalais Fantôme Commodore est plutôt du genre à pondre des disques de la première catégorie.
Cet Objet petit a précisément est rempli de séquences et de matières comme seuls les musiciens très, très (trop) amoureux de leurs vieux synthés peuvent en accoucher. On voit très bien la scène derrière chaque morceau, la moquette épaisse couverte de Moogs, de Junos et de Prophets, de jacks, de cahiers griffonnés, la lumière du jour qui peine à pénétrer entre les rideaux fermés, et entre la pénombre et les câbles, assis en tailleur, un ou deux gars, une ou deux filles, un doigt posé sur un do dièse, l'autre sur un filtre ou un LFO, qui bidouillent pendant des heures avant de lancer un riff dans la précipitation parce qu'un son s'est révélé un peu plus sidérant encore que les autres.
Point de plan marketing ni de filage de hype donc dans cette musique, obligée de se vendre au badaud comme du Zombie Zombie bis ou du novo Carpenter à la petite semaine et de se cacher derrière un sous-texte lacanien un peu pénible (d'après la press release qui accompagne la sortie du disque, l'objet "a" du titre correspond à ce manque fondamental et fondamentalement indéfinissable de la libido, conceptualisé par Lacan, qui manque indéfiniment à l'être).
Littéralement et puissamment fétichiste, la musique de Fantôme Commodore n'est rien d'autre qu'obsédée par les beaux sons, pleins de gras, de tanin et de matières microscopiques en suspension, et n'entend trouver du sens nulle part ailleurs que dans leurs précieuses aspérités. Si "Pong", "Stephenson" ou "No Way Out" nous ont touchés, c'est ainsi moins par leurs références sci-fi, leurs vélléités de "film imaginaire" et leurs mélodies rétrofuturistes - vues et entendues quelques milliards de fois par le passé, il faut l'avouer - que par la manière dont ils se perdent corps et âme dans leur fascination presque pathologique, à la limite du morbide, pour les fantômes synthétiques qui s'y baladent. Objet petit a sera disponible à l'achat à partir du 2 mars, via Green Cats, Babies!
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