Tim Hecker chez 4AD, ou le partenariat le plus sensé du monde. Mariage d’amour des obsessions heavenly d’Ivo Watts Russell avec le brouillard dense des sculptures digitales du Canadien. C’est Cocteau Twins chez Software. Lisa Gerrard en fichiers temp. On avait laissé le maître de Montréal sur une note positive, au terme de ses aventures conjointes avec Dan Lopatin. Celui-ci passé chez Warp depuis R Plus Seven (2013), le retour de Tim Hecker nous donne l’occasion de prendre acte du devenir anglais des maîtres drones du nouveau monde.
Tandis que le premier pille les vibes d’un backstage de Nine Inch Nails qu’il propulse dans un tambour post-glitch hystérique, le second persiste à braconner en seigneur les terres ectoplasmiques à la Leyland Kirby, franc tireur maudit du néo drone vapor qui fait rire ou pleurer. Ça donne des résultats souvent fabuleux (l’acclamé Deathrave 1972, au hasard), et donc, aujourd’hui, ce "Castrati Stack", single agréable, de grand goût et parfaitement produit qui précède l’attendu Love Streams, huitième album à paraître en avril.
On n'est pas déçu, c’est bien une pile de voix mixtes pseudo sacrées qui cherchent à s’élever pour nous hors de leur condition de média dégradé exprès ; l’éther pathétique d’une déploration arrachée à Spem in allium de Thomas Tallis, chef d'oeuvre de la polyphonie du XVIème siècle, gravée sur une mixtape Cd perdue entre deux cartons de déménagement.
Le temps a fait son œuvre, la poussière s’est incrustée, et "Castrati Stack" renvoie désormais à une certaine idée de l’hyper modernité nineties, quelque part entre Era, Oval et Loreena Mc Kennit, quand le souffle des chevaliers et les sorts de magiciennes celtes ne craignaient pas le sound design Windows de Brian Peter George St. John le Baptiste de la Salle. Comme c’est loin. Nostalgie du futur ? Evocation plutôt émue d’un monde proche et perdu, ou le sampling et l’hybridation portaient la charge symbolique d’un paradis à venir, enveloppant et ouvert, un état de conscience planétaire niché comme un dormeur sous valium dans les plis du temps.
La fin abrupte nous tire pour de bon de nos rêveries éveillées. Aujourd’hui, demain, hier, qu’importe. Nintendo Grégorien, talea Zelda, tout ça est envoûtant, à écouter comme on visite les vestiges déserts d’une second life qui nous a précédé sur la voie de l’avenir.
Love Streams sort le 8 avril chez 4AD.
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