De toutes les mutations étranges que le golem digimoderne James Ferraro a connu dans sa carrière, celle survenue ces 10 derniers mois est de loin la plus dure à déchiffrer. The Drone afffichant à l'égard de l'Américain une moue presque consensuelle de compromis (un tiers de la rédaction le tient pour une sorte de génie, les deux autres s'en foutent au point d'avoir focalisé leur sentence critique sur ses tics de langage), on ne s'est pas précipités pour commenter le cas pourtant épineux de Sushi, son premier opus à voir le jour ailleurs que sur soundcloud depuis son chef d'oeuvre en epoxy (oui, oui, chef d'oeuvre en epoxy) Far Side Virtual.
J'invoque simplement un gros sac de flemme qui m'est tombé entre les épaules: j'ai écouté plusieurs fois Sushi avec pas mal de plaisir disons, sensoriel (belles basses), le titre est bien sûr parfait, j'y ai reconnu quelques samples d'Autechre ou de merdouilles MTV et surtout une sorte de parodie idéalement ambiguë de "l'album de musique électronique en 2012" (un peu house, un peu urban, un peu expérimental) mais j'ai vraiment eu du mal à y planter un grappin analytique et surtout à le glisser dans mon archéologie critique de l'oeuvre du monsieur. En bon fan, je blâme en premier son talent virtuose pour embrouiller en premier ses exégètes. Je vous dirai donc (peut-être) dans 6 mois ce que j'en ai retenu.
En attendant, je vous propose de jeter une oreille à ce mix intégralement WTF enregistré par James pour la radio californienne KCRW. En lieu et place des conneries r'n'b attendues, Ferraro y emmêle exclusivement musique chorale et musique sacrée aux origines non-avérées (j'adore les Passions de Jean-Séb mais là je demande de l'aide au lecteur mélomane pour de vrai). On s'y perd comme dans un roman en vers, l'avant-dernier acte d'un opéra de Wagner ou un long drink réussi, genre Long Island Iced Tea. Ces trois références obscures mais toutes justifiées par de vaillantes associations d'idées pour vous dire que je n'y capte pas grand chose mais que je rends les armes avec bonheur. A l'heure de la transparence généralisée et des mystères systématiquement démystifiés, les mecs comme Ferraro sont mieux que des vestiges du temps d'avant, ce sont des chevaliers.
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