On l'a déjà écrit quelques fois (cliquez ici ou là), capter la trajectoire de James Ferraro est une gageure. Des premiers bourdons des Skaters jusqu'aux natures mortes Windows 95 de Far Side Virtual, des tourbillons de déchets 80s de Night Dolls with Hairspray jusqu'aux surfaces brillantes de Cold et Sushi, l'Américain semble avoir fait 5 fois le tour de la question post-postmoderne pendant que les derniers critiques à le prendre encore un peu au sérieux (au moins une personne chez The Drone est concernée) suaient sang et eau pour dégager une logique de ce foutu chaos. Et ce n'est pas le HTML 5 qui va leur faciliter la tâche: entre Youtube, Facebook, Imgur et Soundcloud, Ferraro ne cesse de se disperser et de feuilleter son propos.

Ainsi l'étrange cacophonie de NYC, Hell 3:00AM qui nous arrive aujourd'hui, vraisemblablement conçue entre deux états seconds (l'extase et la dépression) et trois nuits blanches d'errance dans les tréfonds du web profond  recomplique la donne de ses deux, trois prédecesseurs (on a un peu arrêté de compter).

Revendiquant autant l'angoisse intimes que "les démons de la société" (souvenirs du 11 septembre, visions de "rats, paysages métalliques, eaux contaminées, amis junkies, (...) violences policières"), Ferraro entend "créer une sculpture surréelle de la confusion et du pourrissement de l'Amérique, une cartographie du nihilisme de New-York".  Mais comme à chaque fois avec le gars, il convient bien sûr d'oublier les mots (même séquencés en boucle) et les discours pour mieux apprécier ce qu'on "voit". Ferraro se rêve et agit désormais moins en théoricien qu'en plasticien qui pose, tatonne, arrange nonchalamment, au gré de la qualité de son spleen et de l'angle du soleil sur son front. Du coup, c'est autant fascinant qu'agaçant, passionnant que complaisant.

Question subsidaire qui vous taraude sans doute puisqu'on parle de musique produite dans le circuit de la pop: est-ce que c'est beau? Réponse d'universitaire vélléitaire: oui et non, et c'est ça qu'est bon.