Si vous ne voyez pas qui est Shane Carruth, laissez-moi vous le présenter: né en 1972, diplomé en mathématiques et un temps ingénieur en informatique, ce vrai nerd (du genre capable de vous réciter une suite de Fibonacci jusqu'à ce que vous lui tapiez sur l'épaule) s'est fait connaître en 2007 en gagnant le Grand Prix du Jury à Sundance avec un film de 7000$ qui s'appelle Primer. Probablement le film de voyage dans le temps ultime, ce rubrik's cube au carré réalisait le double miracle d'en mettre plein la vue au spectacteur avec le scénario le plus complexe et sybillin de l'histoire du genre (largement inspiré, c'est avéré, des dernières trouvailles dans le domaine de la mécanique quantique) et sans un seul effet spécial visible à l'écran.
Autant vous dire que les geeks d'internet l'adorent comme ils adorent Lost et les films des Wachowski et que Hollywood en ferait bien son quatre heures. Dernièrement, il a même fait consultant en voyage dans le temps sur Looper, mini remue-meninges de Rian Johnson qui en a probablement profité pour prendre un peu d'épaisseur. Voilà, vous ne rêvez pas, grâce à Shane Carruth il existe désormais à Hollywood un métier qui s'appelle consultant en voyage dans le temps.
Présenté au Festival de Sundance 2013 et dans la sélection parallèle de la Berlinale, Upstream Color, son deuxième long-métrage, n'en contient vraisemblablement aucun, de voyage dans le temps. Il y est question de gens abîmés qui se rencontrent et de symbioses étranges avec "un organisme ancestral". La moitié des critiques (positives) qu'on peut en lire évoque le Tree of Life de Terrence Malick, ce qui veut probablement dire qu'on y voit beaucoup de feuilles au vent et de nuages, que l'histoire est vague et que la photo fait la moitié du boulot. Aussi, il y a un coup de théâtre quelque part dans le scénario que les journalistes refusent malicieusement de dévoiler et ça a l'air très beau.
Artiste complet, Carruth est son propre producteur et distributeur et signe la musique de son film. Là, moins de surprise et d'équivoque, on est en terrain ambient et balisé. La bande-originale d'Upstream Color est principalement synthétique, sans doute un peu pour des raisons de moyens. On pense aux b.o. tout en volutes de Michael Andrews pour Donnie Darko ou Moi, toi et tous les autres, ou à celles très Eno-esque de Cliff Martinez pour les films de Soderbergh ou le Drive de Nicolas Winding Refn (les nappes entre les pop songs de Kavinsky ou College, on s'entend). Somme toute, c'est pas désagréable du tout. Aussi, ça se télécharge gratos sur le site de la maison de production de Carruth. Surtout, ça nous a fourni un pretexte pour vous parler de Primer, ce film trop méconnu qu'on adore. On croise aussi les doigts pour qu'Upstream Color soit visible un jour sur nos écrans de cinéma.
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