Comment repérer un bon beatmaker dans la forêt des bidouilleurs de GarageBand du dimanche? C'est généralement assez facile : il faut chercher les endroits où les beats ont l'air de déconner.
Sans aller jusqu'à invoquer le Dieu Dilla et les trois écoles de producteurs que ses beats déquantizés ont fait naître ces 15 dernières années, les chouchous Baron Retif & Concepcion Perez oeuvrent inlassablement depuis une demi décennie à l'évolution du "One", ce groove mythique conceptualisé un jour de biture par James Brown et ses JB's ("Hit Me!") après lequel courent 100% des faiseurs et tâcherons de grooves à travers le monde depuis la nuit des temps de la pop, de James Blake à votre groupe d'acid jazz du lycée.
Le duo s'est même même inventé une étiquette / aimant à journalistes pour qualifier ses recherches : le "funk mou". Sur Navettes, premier vrai album qui paraît ce vendredi sur le Musique Large de Fulgeance, le duo en explore en long et en large les finesses, les fissures et les combinaisons possibles et ça donne un des disques de groove les plus cossus et les plus satisfaisants entendus depuis longtemps. La première chose que l'on remarque est l'inévitable présence d'invités - sempiternels rappeurs et chanteur soul assermenté - mais on retient surtout la liberté avec laquelle Benjamin Fain-Robert et Pierre Valero (le blaze des deux zozos pour l'état civil) touillent leurs bouillons de cultures et d'idées.
Equipés du genre de matos avec lequel on faisait autrefois des disques de fusion ou de variété (batterie, Rhodes, synthés noirs et blancs à gros boutons), le duo se laisse traverser par mille histoires, mille images et mille traditions, du rap héroïque de Detroit à Jean-Jacques Perrey, de Newcleus à La Planète Sauvage de Goraguer et ses instrus sont souvent bien plus palpitants que ceux des Roots, de Common ou de la b.o. de Pattaya. Quelque part entre une vieille compil Big Cheese et le futur de la beat music hexagonale (celle du copain Fulgeance ou de Débruit, pas les horreurs de Petit Biscuit et consorts qui pourrissent notre jeunesse trop influençable), Navettes est un disque qui vous attrape par derrière, et tout bonnement indispensable si vous avez un disque de Flying Lotus dans votre collection.
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