L’expression "se faire plaisir" est une des plus grosses plaies du journalisme musical actuel, on ne va pas se mentir. Mais lorsqu'on écoute le nouvel album de Pond, The Weather, qui sort 5 mai prochain sur Marathon Artists, on ne voit pas d'autre manière de décrire la musique du quatuor de Perth, ce plaisir communicatif dans leur manière de jouer qui a toujours fait leur marque de fabrique, mais qui est encore plus éclatant aujourd'hui. Il ne faut pas oublier que des membres de Pond ont officié dans Tame Impala, notamment Nick Allbrook, qui a quitté le groupe de Kevin Parker à l'époque de Lonerism pour se consacrer à plein temps à ce projet-ci. Jay Watson, qui officie comme claviériste dans Tame Impala, est aussi de la partie, ce qui donne à Pond un statut de projet annexe et récréatif du groupe de Kevin Parker. Ce qui est à la fois juste et un peu réducteur : le groupe existe depuis 2009 et en est déjà à son huitième album, tous sont maitrisés et réalisés avec le plus grand soin, tiennent sur leurs deux jambes et n'ont pas besoin de l'aval du grand manitou Parker pour exister.
Il n'empêche, ils reprennent presque à chaque fois les tropes de Tame Impala là où ce dernier les a laissés. C'était le cas du précédent album Man It Feels Like Space Again, qui reprenait les codes psych pop et space rock de Lonerism pour les amener vers des zones de turbulence que n'ose (ne veut?) plus s'autoriser Kevin Parker. C'ets encore le cas pour The Weather, dans lequel la bande semble avoir pris acte du tournant pop FM du dernier album de Tame Impala, pour encore une fois l'amener sur un terrain plus indiscipliné, dissipé, et en définitive beaucoup plus fun et décomplexé et beaucoup moins mégalomane que ce que nous propose Parker aujourd'hui.
C'est à peu près pour ces raisons que ce nouvel album de Pond arrive à faire passer la pilule et nous faire avaler toutes ses couleuvres. Des couleuvres gorgées de soleil qui vont de Queen à Dennis Wilson en passant par Todd Rundgren, une sorte de hard rock mélodique et sucré, voire même une grosse synth pop gloubi-boulga à la Empire of the Sun, tout cela articulé autour d'un concept plus ou moins foireux autour des restes du colonialisme australien aujourd'hui. Un album où le plaisir communicatif de jouer devient presque plus important que la musique elle-même, alors même que celle-ci est des plus ouvragées et consciencieuses. Le pote Kevin Parler est d'ailleurs à la production : il faut à ce titre signaler à quel point il est devenu aujourd'hui un producteur raffiné, subtil (les sons de batterie sur The Weather sont incroyables), appliqué et ouvrageant – et ce n'est pas un reproche. Les deux premiers singles, "30000 Megatons" et "Sweep Off My Feet", dont les clips sont visibles ci-dessous, n'hésitent pas à convoquer le rock héroïque de Queen et le glam pop le plus pailleté, ce qu'ils font de manière éhontée, sans ironie, distance ou pose de petit malin.
Le reste de l'album est à l'avenant : quand retentit le saxophone plein de réverb’ de "Colder Than Ice", nos réflexes de sales gosses nous font automatiquement penser à ce sketch de Saturday Night Live où Jon Hamm (Don Draper, pour ceux qui ne seraient pas au courant) se met torse poil et joue du saxophone perruqué. Alors qu'en fait, c'est plutôt dans le petit interstice du bon et du mauvais goût qu'il faut aller chercher, quelque part entre le funk blanc et la baroque pop, le sérieux papal et la grosse marrade. C’est ce que fait le nouvel album de Pond, il transforme et sublime quelque chose de peu franchement ragoutant et qui questionne notre bon goût pour en faire un terrain de jeu tout à fait réjouissant. Un coche que semblent avoir raté la plupart des groupes de rock à vocation mainstream de ces dix dernières années lorsqu'on y réfléchit un peu, que ce soit les Strokes, Kings of Leon ou Tame Impala – même si le dernier cas est un peu compliqué et pas encore résolu.
Bien sûr, tout ça est extrêmement dispersé et inégal, et nous empêche de totalement prendre Pond au sérieux. Mais leur nouvel album nous rassure tout de même un peu, et nous fait dire qu'il y a encore aujourd'hui des jeunes gens qui n'oublient pas que le rock n'est jamais meilleur que lorsqu'il est affaire d'amusement, et que la prudence et le formalisme sont ses plus grands ennemis. Ce qui ne court pas les rues, en ce moment, contrairement à ce qu'on pourrait penser.
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