Etonnant comment le porno, au fur et à mesure que sa consommation s'est banalisée grâce à youporn et consorts, est devenu digne et tolérable chez les éditeurs et chic à mettre en évidence sur la table basse chez les consommateurs. Sans même évoquer le succès du Tag Parfait ou la collection (certes vite arrêtée) "L'âge d'or du X américain" de Wild Side, les gros lecteurs et auditeurs de France Culture ont pu s'en mettre plein la panse d'histoires croquignolettes avec des zizis et du poil dedans via The Other Hollywood (chez Allia), ou le classieux Dictionnaire des films français pornographiques et érotiques (16 et 35m) édité chez Serious Publishing sous la direction de l'excellent Christophe Bier (immense cinébisophile bien connu des zonards de la Cinémathèque et des amateurs de mauvais genres).
Rayon documentaires, ces derniers mois furent aussi fastes en gourmandises à ranger rayon Boogie Nights: After Porn Ends nous conte la vie des porn stars après qu'elles ont raccroché les gants, et L'enfance du hard de Sébastien Bardos et Jérémie About (passé la semaine dernière en première sur Canal +) celui de l'âge d'or du porno français de 75 à 83.
Un peu plus chic encore (James Franco produit, Sundance sélectionne), le Kink de Christina Voros nous propose de plonger dans le quotidien de Kink.com (ancien Hogtieds et maison mère du fascinant Fucking Machines), empire et leader international du fetish porn, du catfighting et du BDSM. Montée en 1997 par Peter Acworth, thésard de Columbia branché latex et humiliation qui fait aussi l'acteur-performer à l'occasion, la boîte s'est notamment fait remarquer en 2006 en s'offrant la San Francisco Armory, citadelle historique du Mission District de S.F. digne en apparence de celle de Hostel.
De manière presque décevante, le trailer de Kink laisse pourtant entrevoir une réalité très triviale et un business terre-à-terre. A des miles des très douteux rapprochements dénoncés par la lobbyiste anti-porno Melissa Farley entre les films tournés dans les studios et les vraies images terrifiantes filmées à Abou Ghraib, les gonzos et les faux snuffs de Kink se tournent aux horaires syndicales, avec un cortèges de stagiaires et d'assistantes qui ont l'air de sortir tout droit des locaux de Pitchfork.
Petit sous-texte avancé par les intéressés: le BDSM serait, de par sa nature fondamentalement dérangeante et ambiguë pour le non-initié, la dernière frontière infranchissable et le dernier foyer véritablement subversif de l'industrie porno. Une jolie métaphore s'entend ainsi dans le trailer: "si le porno était un lycée, Kink.com serait la table des gothiques". On attend de voir le film en entier, mais on se dit que Bataille aurait adoré y mettre le nez.
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