Une excellente nouvelle qui nous parvient du collectif La Novià. La Baracande (Basile Brémaud, Pierre-Vincent Fortunier, Yann Gourdon, Guilhem Lacroux) a réenregistré l'ensemble de son répertoire, que le groupe distille en deux sorties complémentaires ; un CD, déjà dispo, qui comprend sept titres, et un vinyle, avec deux titres complètement différents, à paraître au mois de mars. Tout a été enregistré à l’occasion d’une résidence en janvier 2016 aux Ateliers Claus, à Bruxelles, et mixé en septembre dernier par Yann Gourdon.
Le son, d’abord. Ici on fait (ré) sonner de concert vielle, voix, guitare électrique, cornemuse ; c’est enveloppant, singulier, d’une puissance à déplacer les montagnes. Autour des chansons de Virginie Granouillet - dentelière à Roche en Régnier et source unique du répertoire du groupe - le temps s’étire, et pas qu’un peu. Les morceaux sont joués longtemps ; 10 ou 15, 20 minutes, avec leurs creux, lenteurs et fulgurances ; juché sur ses ergots de seigle, le groupe s’emploie à reconduire sa tradition dans les contrées hallucinées où les mélodies sont psalmodiées éternellement, et l’extase, pain quotidien. Tout est cyclique, et rien qui sonne deux fois pareil. Les thèmes vont et viennent : partis fringants, arrivés poussiéreux, ivres du voyage. Ça exulte, jubile, titube, tombe, recommence.
Et puis la voix, remarquable. Parce qu’il faut du souffle pour conduire la narration sur de (très) longues durées, et que c’est pas donné à tout le monde. Basile Brémaud chante ses histoires d’amour et de guerre avec l’autorité et la conviction nécessaire. La tragédie "ligne claire" ("elle voulait se marier/ son père voulait l’en empêcher") se nourrit des mouvements du son, un tour de roue après l’autre. Portée par des musiciens qu’elle tire en retour au cœur des mots qui la traversent et qui l’inventent, cette voix là travaille aujourd’hui comme pas deux, dans son espace propre, sans beaucoup de contemporains, à vrai dire.
Collectée au début des années 60, la voix de Virginie Granouillet, la vraie Baracande, nous parvient encore, archivée dans les recoins d'internet. On peut y entendre par avance un peu de l’autre Baracande, la nôtre. Le grain rauque et direct, aux prises avec les caprices de la mémoire, qui sillonne son champ évanescent de mélodies prêtées par des générations de baladins du village. Ici, entre autres, cette mémoire là respire encore. On souhaite bon voyage.
La Baracande, La Baracande, Becoq, 2017
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