Cela fait quasiment 20 ans (avec une petite pause en cours de route) que S.K Records trace son chemin depuis Lyon, à coups de sorties toujours cohérentes, d'éthique DIY, et de comptes en banque forcément toujours dans le rouge.
Ce qui a commencé comme une coopérative de petits groupes lyonnais - qui avaient décidé que face au coût de production et de promotion des disques l'union faisait la force - est progressivement devenu une sorte de label rouge de l'indie français, dont tous les fouilleurs de bac à disques pas évidents et de bandcamp obscurs savent qu'ils peuvent se procurer les sorties les yeux (quasi) fermés.
Du génial bullshitter expérimental Sheik Anorak à la techno analo éclatée de Deux Boules Vanilles et au psych-rock déboitée de Noyades, tour d'horizon non-exhaustif des sorties du label par 3 membres de l'équipe.
Sheik Anorak – Keep Your Hands Low (2014)
J'ai choisi cette sortie car elle représente un moment vraiment particulier pour moi. Après un passage à S.K. en 2010, je voulais de nouveau m’investir dans un label... je songeais sérieusement à monter mon propre truc, j'ai même créé un microlabel de cassette en 2011 qui s'appelait Flying Shoes Records qui ne compte qu'une sortie, le Highway To Health de Pneu.... Mais en fait, l’idée d’aller aider Nico pour réactiver un label qui existait déjà et qui avait connu une sorte "d’âge d'or" dans les années 2000, mais qui s'était profondément endormi depuis, j’trouvais ça bien plus stylé et bien plus trve d’essayer de donner un nouveau souffle et de continuer l’histoire. Des nouveaux labels, j’en découvre quatre chaque jour en ouvrant mon fb de geek de l’underground…. C’est comme trouver un vieux 103 SP dans le garage et le retaper de ouf, ce sera toujours 50 fois plus cool qu’acheter un Vespa… ou pire… un scooter 3 roues… Et du coup, le Sheik Anorak tombait pile à ce moment là, et à vrai dire, c’était nickel. Un super disque que je prends toujours plaisir à écouter, qui vieillira bien je pense. Le morceau instrumental "The Summit", souvent méconnu et sous-coté quand tu parles avec les gens qui connaissent le disque, est le meilleur titre pour moi… On avait fait une première sur Mowno, ça nous a confortés dans le fait que le disque serait bien reçu, il y avait eu plein de presse qu’on était allé choper nous- même, c’était la première fois… Ça a vraiment été un chouette moment pour le label et une super base pour redémarrer.
Vincent
The Rubiks – Universal Satisfaction (2009)
Autre disque et autre époque… J’aurais pu, j’aurais DÛ parler soit de Ned ou soit de Doppler, tant les deux groupes sont à la base du label : Tristan de Ned a fondé S.K. (et sévit désormais dans la house de squat sous le blaz de Commando Koko), Doppler reste peut-être toujours le groupe qui a vendu le plus de disques. Ou encore les Bananas At The Audience ou Clara Clara mais…… j’ai beaucoup, beaucoup trop écouté et aimé les Rubiks pour ne pas en parler ! Edité en vinyle vert fluo et cassette en 2006 je crois, pour moi c’est vraiment un gros classique et la pièce centrale de la première période du label, de par le fait que le line up était un patchwork de zikos de différents groupes du label ou de la scène lyonnaise à l’époque des débuts de Grrrnd Zero, et tout simplement parce que ce disque a été mon album préféré pendant une partie de ma vie…. Andrew Duracell à la batterie – dont plein de gens continuent encore de me parler malgré sa retraite forcée il y a déjà des années – joue vraiment comme une boîte à rythme de ouf. Nico Poisson et Seb Raddix daronnent la mélodie… C’est toujours juste, très malin, jamais prétentieux, fun et juste putain de brillant. J’ai eu la chance de voir ce qui a été leur dernier concert en première partie de Chain and The Gang en avril 2010, personne ne le savait, pas même eux je crois… Depuis, Nico et Seb ont monté un nouveau groupe plus ou moins dans le même esprit, avec cette fois Franck de Sheik Anorak à la batterie : Totale Eclipse !
Vincent
Gum Takes Tooth – Silent Cenotaph (2015)
Plus proche de nous dans le temps, la sortie vinyle de Silent Cenotaph de Gum Takes Tooth a aussi une grosse histoire. Il y a plusieurs années je bossais pour Kongfuzi, on devait faire jouer ce groupe anglais inconnu au bataillon à Petit Bain avec d’autres groupes… Mais suite au décès de notre boss Christophe Ehrwein, nous avions été contraints d’annuler la date pour de multiples raisons compliquées… Avec les collègues de l’époque et grâce à EVTEVL, nous avons pu greffer le groupe sur une soirée DIY au Piccolo à Saint-Ouen, on voulait absolument les voir sur scène malgré tout et… le concert était mortel, les mecs aussi, je me suis dit qu’il fallait faire sortir ce disque en France et que ça collait avec S.K. Nous avons joint les actes à la parole, et on a eu le plaisir quelques mois plus tard de tous se rencontrer et ouvrir le carton de vinyles au Village Label à Villette Sonique, quelques heures avant leurs deux shows mortels en première partie de Cabaret Voltaire, puis quelques mois plus tard au Humanist S.K. Fest avec Part Chimp et Headwar… C’était vraiment des moments conviviaux et qui avait un sens de ouf : c’était Christophe qui avait ramené ce groupe en France… La zik, ce mélange chamanique bruit/transe/danse, analogique/digital, c’est super étrange, je trouve que ça défonce, le disque est tout en temps forts/temps faibles… et sur scène, ils sont super, en plus d’être des gars sûrs. C’était par ailleurs cool de refaire un groupe de l’étranger. La logique de sortir des groupes de Lyon, qui jouent à Lyon pour les gens de Lyon, et dès que tu dépasses Vaulx-en- Velin et que tu vas faire un stand à 200 bornes de chez toi, personne ne connait tes groupes, au final ça ne sert pas grand monde… et surtout Dischords l’ont déjà fait, et en mieux…. Sortir des groupes de partout, en France et ailleurs, c’est depuis une vraie volonté, cette démarche sert les groupes et le label…
Vincent
En tant que petit label où le bénévolat est un sacerdoce de maître fou, je me pose encore et toujours la même question : celle de savoir pourquoi on passe une grosse partie de notre temps libre – qui se réduit en peau de chagrin chaque année – à sortir des disques en vinyle, à 300 exemplaires, en 2017 (qui ne génèrent aucun bénéfice financier pour le groupe, ni pour le label et qui sont donc diffusés à un public de niche) alors qu’ils sont tous disponibles sur notre site et les plateformes digitales via notre distributeur Atypeek Music. Un truc de fétichiste, voire élitiste ? Une écoute différente ? Un mémo, remède contre Alzheimer, pour le public venu voir son énième concert ? Une étape nécessaire, un aboutissement dans la vie d’un groupe ? Un objet de reconnaissance, voire de promotion ? Un peu tout ça à la fois, sûrement. J’ai vraiment compris, un soir de janvier, au café, quand Nico, sous le manteau, m’a passé le test press du premier vinyle de Cantenac Dagar, moment tant attendu après des mois de fabrication, d’excitation, de changement total du projet, de prise de tête dans Photoshop : c’était le premier disque que j’amenais de mon propre chef au label, j’avais suivi l’affaire de A à Z, un sacré truc. Je m’empresse de rentrer chez moi, je pose la galette sur mon modeste équipement hi-fi et je m’allonge à même le parquet de chêne. Et c’est parti pour 2 X 20 minutes de tours de manège ininterrompus : lentes montées chamaniques répétitives où le banjo de Stéphane surgit doucement au début, cadencées par les râles et bruissements de voix d’Aymeric et les sons du lecteur K7, des moments de silence aussi où de lointains grésillements rappellent la méthode d’enregistrement assez inhabituelle : en direct avec un dictaphone en face des enceintes. Ni master, ni mix, ni même post-production, Stilletonne est la trace brute d’un moment capté lors d’une résidence à Dunkerque en 2016 (un thème, deux morceaux). Il n’aurait pu en être autrement – d’ailleurs, au tout début de nos échanges avec Cantenac, ils ne voyaient pas bien l’intérêt d’un disque, l’improvisation et le côté brut de la performance rendant les conditions d’enregistrement classique inenvisageables. Un disque minimaliste dans la forme mais qui, par son langage universel, voire originel, ne met personne de côté. Une musique d’expérience, pour tous, à condition d'aimer les profondeurs. [à découvrir absolument en live, en tournée du 14 au 30 septembre]
Sophie
Deux Boules Vanille – Tutti Frutti (2015)
Avec le disque de Cantenac, je retrouvais, grâce au vinyle, dans mon espace intime, une force de l'instant, une présence corporelle et organique, que j'avais éprouvée en concert de manière collective. Pour certains groupes, essayer de retranscrire sur disque ce que l'on fait en live semble mission impossible. Je pense notamment à Deux Boules Vanille, un groupe d'une présence scénique incroyable qui a bien bourlingué ces dernières années. Quand je les ai vus pour la première fois au festival Humanist S.K au Périscope à Lyon et que Nico m'a dit qu'on allait sortir leur premier disque, j'ai d'abord été totalement surexcitée, puis je me suis demandé ce que ça pouvait donner sur disque : deux batteries déclenchant des synthés analogiques diy, un son surpuissant, une part d'improvisation, des vibrations tellement fortes que tu ne peux plus poser pied à terre, la danse, la danse, la danse. Challenge plus que réussi sur disque : ils ont réussi à trouver un équilibre entre l'euphorie du live, un son plus crousti que krusty, et le petit peps coloré d'un truc plus techno dub avec les analo. Et la pochette, un véritable objet collector ! Ils enregistrent un nouveau disque, l'ancien album est quasiment épuisé, on a plutôt hâte d'écouter ça !
Sophie
Noyades – Go Fast (2016)
NOYADES c'est le maelström original, le cambouis dans lequel on plonge ses mains pour ensuite modeler toutes sortes d'autres choses. C'est un dégueulis de matières à moitié digérées et savamment mélangées de 8°6 et de sucs gastriques. J'y retrouve étrangement beaucoup de choses que les membres du groupe ne peuvent pas avoir côtoyé dans leur jeunesse ou alors à travers d'autres groupes intermédiaires. On pense principalement à la vague garage psyché instrumentale japonaise complètement extrême de High Rise, du rock noise foutraque et neurasthénique italien de Starfuckers, aux délires acid-hard de la bande Hélios creed/ Chrome, bref plein de choses énergiquement mélangées et secouées comme l'état dans lequel ce disque nous laisse...
Nico
Ce soir le festival Heart of Glass, Heart of Gold offre carte blanche à SK Records, toutes les infos sont ici.