Voyons un peu la matière habituellement récoltée sur un festival. L'angle gonzo pourri et ses anecdotes d'i-fans pavés comme l'enfer de bonnes intentions. Le biais organisationnel faisant l'éloge de ces hommes et ces femmes architectes bénévoles du rassemblement. Pire encore, branler la pertinence artistique de la programmation. Bref, loin de moi la prétention de révolutionner cette fastidieuse gymnastique journaleuse, simplement l'histoire du DunaJam n'est pas vraiment celle d'un festival, mais plutôt celle d'un anti-festival au communautarisme salvateur, à la localisation itinérante et magnifiquement tenue secrète. A l'élitisme indécent, à la communication officielle inexistante, et au réglement aussi magnifique qu'aberrant, partageant avec le Fight Cub de Chuck Palahniuk au moins les deux premiers articles, et auquel ce papier représente déjà une entorse octroyée sous conditions par un porte-parole que nous nommerons Tim.
Caractéristiques. "DUNAJAM n'est pas un festival. Imaginez-vous un anniversaire, ça marche pareil. Ou un truc entre picnic et pélerinage. Si vous voulez être invité, écrivez à dunajam [AT] gmail.com. L'attente est un peu longue puisque ça peut pas marcher avec plus de 150 personnes, c'est la limite. Donc préparez-vous à devoir attendre un moment avant d'avoir une réponse". C'est spartiate, lisible sur le site officiel, et c'est à peu près le seul message, au sens où l'entendent les propagandistes professionnels, que le DunaJam vous adresse. Ce que je peux vous en dire (pas plus pas moins, je l'ai promis lors de mon intronisation) c'est qu'il se déroule une fois par an depuis 2006 dans un cadre souvent idyllique, au croisement de Bretzelburg et du Cocagne pour l'édition 2013. Qu'il vous coûte un demi-smic (net), exception faite pour les musiciens ayant déjà joué (je crois). Qu'il (le raout) rassemble ainsi 150 perchés, ferrus de gros prog psyché, stoner, drone et autres longs formats assimilés, et que son fonctionnement est probablement le plus beau pied de nez aux foires à bestiaux que sont devenus les festivals.
Maelstrom. Oubliez les agendas, les passes All Access, les bracelets-sésames et les commodités de toutes sortes, ils n'existent pas. Votre présence sur place ne vous donne qu'un seul droit: celui de vous renseigner. Personne ne sait rien sur rien. Nada sur les lieux où se tiennent les concerts (ils sont décidés à la dernière minute). Peanuts sur les groupes qui jouent (vous devinez la programmation en rencardant ou en vous rencardant vous-même sur "la ferme bio" dans laquelle vous êtes supposé dormir - info que vous avez reçue par texto d'un numéro inconnu une heure auparavant). Que tchi sur les horaires, nebe sur rien. Aucune feuille de route pour personne, et Tim s'en explique: "A trop prévoir, à trop communiquer, plus rien ne se passe. Là au moins, les gens sont forcés de communiquer, de se parler. C'est aussi ça une scène!" Cette petite quote, j'en suis sûr, vient tacler de plein fouet l'e-addict que nous sommes tous devenus, et fait écho à la superbe conférence TED de février 2012 de Sherry Turkle "Connectés, mais seuls?".
Alternative. En fondant bêtement le principe même du Dunajam sur la rumeur et le bouche à oreille, Tim et ses matelots font bien plus que maltraiter leurs passagers, mais leur offrent une fenêtre vers un monde déconnecté certes, mais ensemble et en comité réduit. C'est l'énoncé du festival qui le dit: 150 personnes et pas plus. "Et voilà la limite de l'expérience", me direz-vous. Et je vous rappelerais alors bande de petits nerds à la technicité et au savoir incontestables que vous êtes, que chacun dans vos domaines, vous êtes tous devenus les membres de votre petite communauté d'ayatollahs. Fans de musique, de Gif-animés, ou de motocycles vintages, les rassemblements (sur le net ou IRL) de happy few sont déjà les ramparts à la fadeur ultra-encadrée et à tendance universaliste à laquelle les grands rassemblements nous ont habitué. Vous êtes vous-même les plus grands adversaires de la Culture Pour Tous, que vous considérez comme une chimère institutionnelle relativement récente et absolument démago. Alors actons qu'il en va de même pour la pop, et que le Dunajam titille tout de même vos prétentions avant-gardistes et vos besoins d'un modèle original plus que de sa pâle copie, et d'un rassemblement d'initiés propice aux discussions plus que d'un line-up exhaustif.
Musique. Et comme l'explique sur le ton de la justification un groupe sur le point de reprendre un Red Krayola, "fuck it anyways, it's a free world". C'est donc les pieds dans le sable, tour à tour en bord de mer, dans les dunes, au bas d'une falaise, ou dans un refuge non loin d'une prison (fallait prendre à gauche les gars pour la party du jeudi) que les 150 vernis ont pu cette année sombrer dans le vortex de groupes plus ou moins aventureux, plus ou moins gros, plus ou moins stoner. Quelques embeds en vrac de groupes qui ont pu venir, d'autres pas, certains que j'ai vu, d'autres pas:
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