En 1996, Burning Heads chantaient "And in 1996 if you're a punk My mum is a punk / My dad is a punk/ My brother is a punk / And everybody is a punk / Fuck you fuck you fuck you." Pas mal visionnaires les Orléanais non ? Car si on ne doute pas que votre mère a elle aussi ses accès d'anticonformisme, il est clair qu'en 2016, alors qu'on va fêter les 40 ans du punk (enfin du 1er festival punk à Mont-de-Marsan - ne vous en faites pas, tout un tas de bouquins et de rééditions s'apprêtent à vous faire revivre cette "époque folle"), on a un peu rangé au rayon de vague souvenir les élucubrations de ces musiciens qui, au sortir de l'ère hippie, allaient légitimer le fait de chanter comme une brêle et de se produire sur scène sans savoir vraiment ce qu'ils faisaient.
Le Label Soul Jazz Records, avec le talent hagiographique qu'on lui connaît, se penche avec sa nouvelle compilation sur la scène Punk de L.A. et de ses balbutiements. L'occasion de se rappeler que les groupes californiens, avant de sombrer dans une tendance skatecore pas très heureuse, composaient toute une frange de punks beaucoup plus freakys et moins poseurs que les dandys new-yorkais, biberonnée à la bizarrerie de Captain Beefheart ou David Bowie et aux premiers concerts des anglais débarqués sur leur territoire (The Fall, The Clash et Magazine pour ne citer qu'eux). Cette effervescence cheloue cramée au soleil qui rassemblait latinos, prolos fans de skates et étudiants à UCLA (dont Raymond Pettibon) a donné naissance à de nombreux groupes, totalement ignorés du music business de l'époque, obsédé à ce moment là par la scène New Yorkaise, les Ramones et des idées saugrenues comme faire apparaître Richard Hell dans un film avec Madonna.
Si quelques ramifications east coast-west coast existaient (la plus marrante étant que le président du fan club US de Blondie n'était autre que Jeffrey Lee Pierce de Gun Club), il fallut attendre les tournées DIY des groupes, dont les jalons furent posés par des banlieusards n'ayant pas peur de se taper des bornes (Black Flag) pour que le public voie plus loin que le bout du nez de sa scène locale, et que peu à peu, deux écoles se démarquent. Costards jazzy, chemisettes avant-garde à l'Est (James Chance, Talking Heads) et foutages de gueule iconoclastes avérés sur la côte Ouest (en témoigne ce chouette concert de The Zeros où le groupe a joué huit fois d'affilée le même morceau). Peu à peu l'influence du skate, du surf et une certaine politisation ont musclé le propos. Le tout est devenu moins rigolo (selon moi) mais a donné naissance au punk hxc qui a explosé un peu partout dans le pays, avec en première ligne, Black Flag (encore eux), et sur la côte Est les groupes formés par des kids qui préféraient se tamponner dans le pogo qu'écluser des PBR (Minor Threat ouvrant la voie à l'ère Dischord). Tout ça a donné un mouvement totalement nouveau, qui lui était culturellement ancré dans l'ère Reagan et qui eut la chance (vu ce qui s'est passé ensuite dans les 90's) d'être ignoré des DA de majors, trop occupés à signer la prochaine Paula Abdul et à discuter des reverbs de snares de Phil Collins.
Ce sont ces deux tendances (le côté arty "je prends mon violon pour une pissotière public", et le côté "pétage de dents à coups de boards rose fluo") que rend assez fidèlement cette compilation.
En voici quelques représentants choisis de manière subjective. Forcément. La compilation Chaos in the City of Angels and Devils est sortie en mars dernier chez Soul Jazz Records. Elle est disponible ici.
X
Vous imaginez les groupes late 70's qui s'asseyaient et choisissaient un nom ? Il leur restait une pelletée de noms cool puisque tous les groupes les précédant avaient choisi des blazes débiles (The Monkees - sérieusement ?). X, mené par la poétesse Exene Cervanka et le guitariste John Doe, puisait son influence chez Bukowski et Chandler et avait une profondeur assez unique dans la scène punk de l'époque. Chefs de file de la petite scène qui gravitait autour du Masque Club à Hollywood, le quatuor finit par signer en major, splitter, se reformer et être désigné 30 ans plus tard comme super influent par Pitchfork. Leur pierre angulaire demeure aujourd'hui le bien nommé "Los Angeles", produit par Ray Manzarek des Doors, qui reprend un peu le trip mystico-mescalo là où Morrison l'avait arrêté en cassant sa pipe près de chez vous.
The Weirdos est probablement le groupe le plus nourri au rock'n roll 50's de toute la bande rassemblée sur la compilation. Fans des Ramones mais aussi des New York Dolls, les Californiens ont eux posé les jalons de ce qui deviendrait plus tard le rock'in hardcore, celui de Rocket From The Crypt, ou The Bronx plus près de vous. A noter qu'un de leur batteur fut Cliff Martinez, frappeur de fûts quelques temps chez les Red Hot Chili Peppers et surtout compositeur de musique de films qui a pu s'acheter une belle maison avec ses royalties de ces dernières années.
Encore un pur nom de groupe non ? Considéré par certains comme LE premier groupe punk HxC, ce groupuscule de Santa Ana qui a la particularité d'avoir un certain Mike Patton à la basse (c'est un homonyme) a clairement fait le lien entre punk new-yorkais et hardcore balbutiant avec le genre de titres de "out of vogue". Sur un tempo triplé, The Middle Class résumait en 3 phrases ce que Gil Scott Heron avait mis 15 ans de carrière à nous expliquer : il ne faut pas écouter ce qu'on vous dit à la télé. Evitez vous un coup de cafard et zappez les photos de la reformation.
La boucle est bouclée (enfin celle de cet article) avec The Adolescents, groupe modèle de nos Burning Heads nationaux qui en 1981 sortait un album que vous n'avez peut-être pas écouté mais sûrement vu porté en t-shirt par une meuf de Twilight. Produit par Mike Patton (non toujours pas le gars de Faith No More) et Thom Wilson (qui allait poser sa patte sur les 3 blockbusters d'Offspring), ce disque contient le titre "Amoeba", présent sur la compile. Celui-ci n'est pas une déclaration d'amour au shop de disques (qui n'a ouvert qu'en 1990) mais bel et bien la marque d'une autre tendance régnant dans le punk américain : la passion des sciences, représentée par des chercheurs comme Milo Aukerman (Descendents), Dexter Holland (Offspring) ou Greg Graffin (Bad Religion). "Don't be a fool, go to school", comme disait Mr T.
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