Le public techno a découvert le nom de Solar Skeletons ces dernières semaines, suite à la publication d'une étrange chose titrée Ex-Stasi sur le très réputé Panzerkreuz de La Haye (sous-label du cultissime Bunker). Comme le savent les membres radicalisés de la secte des suiveurs de ce duo basé entre Bruxelles et le cinquième siècle de l'Enfer, leur discographie est riche de dizaines de références et leur existence ne date pas d'hier. Précisément, Eric (TZii) et Nicolas (Ripit) viennent de fêter le dixième anniversaire de leur étrange union avec un gâteau à l'arsenic, une série de concerts et une journée de résidence sur Network Awesome, la télé en ligne curatée par Jason Forrest. Intrigués par leur proto techno mystico-industrielle, les mystères au coeur de leur manifeste (lisible sur la page d'accueil de leur site www.solarskeletons.com) et les raisons ésotériques de cet étrange anniversaire, nous leurs avons envoyé quelques questions pour tenter d'y voir plus clair.
D’où vient ce nom, Solar Skeletons?
Eric : Le premier concert que l’on a joué j’ai improvisé des paroles, entre autres « this is the solar skeletons coming at you ». Ça m’est venu naturellement, mais certainement parce que j’écoutais beaucoup le morceaux « Red Skeletons » de Coil et que le culte solaire m’était familier. Par la suite quelques années après notre ami Jean Bourbonnais qui restait chez nous à Bruxelles nous a fait remarquer une phrase de Georges Bataille, « des squelettes solaires aux os de souffre » et ça nous va parfaitement aussi, Georges a fait des trucs vraiment pas mal quand même! Le Bleu du Ciel est l'un des livres qui m’a le plus marqué.
Comment s’est formé le duo?
Eric : On était en tournée aux USA avec nos projets solos et Hop-Frog (un projet collectif de Los Angeles). On a fait un petit détour par l’espace et à Washington DC, les squelettes solaires se sont révélés et ont atterris sur notre planète, tout simplement. Un type qu’on avait croisé auparavant qui se baladait vers le soleil nous a dit que le supposé chef de la planète était dans les parages …. Le point géographique de départ pour un long travail de déconstruction généralisée s’est donc imposé.
Solar Skeletons, en priorité c’est de la haine ou de l’amour?
Eric : Les opposés étant clairement complémentaire et nécessaires l’un à l’autre, c’est tout à la fois, en même temps, ou à la suite. Un peu comme une partouze.
Nicolas : Tout à fait, un meurtre passionnel et une baise haineuse.
On devine dans le nom du groupe et de vos oeuvres un intérêt profond et prolongé pour diverses spiritualités plus ou moins ancestrales, païennes et considérées comme blasphématoires par les bonnes gens de la Chrétienté. Vous pouvez m’en dire plus sur le sujet?
Eric : J’avoue que c’est un peu ma faute. Mais disons que Solar Skeletons entend agird dans la déconstruction des formats établis, en en empruntant les codes et les clichés pour mieux les détourner. Mais ce principe ne s’arrête pas à la musique et il est assez naturel pour nous de nous occuper également des dogmes religieux. La réponse à cette question est en fait dans le titre de l’album que nous avons sorti sur Cheap Satanism Records « Scavengers ov Beliefs » .
Nicolas : Toutes les vérités sont fausses, tous les mensonges sont vrais.
Pourquoi cette obsession pour l'empereur romain iconoclaste Héliogabale et son culte du soleil?
Eric : Parce qu’un mec qui base son programme socio-politique sur la décadence totale et la déconstruction complète des dogmes établis pour répandre une espèce d’anarchie hédoniste est un bon mec. Je l’ai découvert comme beaucoup par le biais du livre d’Antonin Artaud Héliogabale ou l’Anarchiste Couronné qui m’a mis une claque monumentale et que j’ai lu plusieurs fois par la suite, assez compulsivement. Ensuite, j’ai enregistré un 45 tours solo de Tzii intitulé Elagabalus and the Solar Sult pour Night On Earth Records et Spielzeug Muzak. Ça s’est ensuite naturellement incrusté dans le manifeste de Solar Skeletons, vu qu’Heliogabale a été stoppé en plein élan, qu'ilfallait reprendre le boulot là ou il s’est arrêté, et que c’est un job tout trouvé pour les squelettes solaires que nous sommes.
Quid de la théosophie, du néo-gnosticisme, ou du satanisme à l’américaine?
Eric : Le satanisme à l’américaine, Anton Lavey a fait le truc le plus cool qui soit, il avait un synthé à pets. Il a programmé des sons de pets assignés aux touches et classifiés par type de pet, pet de vieille, pet d’ado etc . C’est Boyd Rice qui en parle dans le docu qui lui est consacré réalisé par Larry Wessel. C’est intéressant que tu parle de théosophie car pendant cette tournée US Nico avait justement dessiné un logo s’approchant de l’idée théosophique. Pour le gnosticisme je ne savais pas qu’il y avait un neo mais quoi qu’il en soit il y’a des parties intéressantes même si je ne suis pas non plus complètement adepte de l’immatérialité. On reste des corps qui suintent quand même, il ne faut pas l’oublier.
Eric : Ce n’est pas vraiment une réédition, en fait. Ça devait sortir d’emblée chez Panzerkreuz fin 2010, mais début 2011 il y avait ce festival à Bruxelles au Magasin 4 (une salle que nous soutiendrons jusque dans nos tombes et même sous les plus atroces tortures) pour les 30 ans de nos compères de Parade Ground et le disque n’étant toujours pas sorti à ce moment-là, nous avons édité en catimini 23 copies pour l’occasion sur notre label Solis Kanones, exclusivement pour cette soirée, car c’est le set qu’on y jouait. Un peu plus de 5 ans après, le vinyl prévu il y a belle lurette est finalement apparu.
Vous avez des connections particulières avec Bunker et l’underground techno de La Haye?
Eric : Le soleil contrôlant absolument toute forme de vie sur cette planète, il est assez naturel que nous soyons en connection avec tout ce qui est vivant, y compris avec ceux qui ne le savent pas.
J’ai vu que vous aviez joué une performance titré “anti-laptop electronics” - c’est une posture ou alors vous êtes de vrais luddites?
Eric : C’est marrant j’ai joué à un festival du nom de « Neo-Luddisme » au 108 à Orléans il y a quelques années et c’est comme ça que j’ai découvert l’existence de ce mouvement. Ce festival était assez ironique, je pense, car il était entre autres axé arts numériques (même s’il y avait aussi des artistes sonores brutes comme Ghedalia Tazartés, peut-être pour une cohérence du concept?). Mais disons simplement que ce n’est pas l’outil le plus important, c’est ce qu’on en fait. Et on en fait ce qu’on veut, comme pendant cette performance dont tu parles au Schlagström Festival ou j’ai tout simplement éclaté un laptop sur scène, tout en prenant soin de le laisser ouvert pendant tout le concert pour que le public croit qu’il produisait des sons, alors qu’il était éteint du début à la fin. Tout sortait de nos bons vieux jacks poussiéreux (on avait fait la même chose auparavant au festival sus-mentionné au Magasin 4).
Nicolas : Dans le concept même de Solar Skeletons, il n’y a pas de limites de genre ni de technique. Ce live dont tu parles est clairement réalisé avec des synthétiseurs analogiques mais aussi des tables de mixages en ré-injection (la technique dite du no-input). Je ne sais plus si le titre « anti-laptop electronics » vient plus du fait qu’on avait vraiment envie d’éclater des ordinateurs sur scène ou si ça partait d’un concept stylistico-technique. Quoi qu’il en soit, faire de la « techno » sur un ordinateur ne nous fait pas trop bander, et on préfère avoir des gros boutons à tourner, pervertir les machines, exploiter leur défauts, se casser le dos à les transporter, prendre énormément de place sur scène et du temps de branchement, car en plus d’un résultat sonique très détonant, il y a une espèce de satisfaction dans l’accomplissement de tels actes. Alors si, en plus de ça, tu rajoutes un climax destructifs sur l’antithèse technologique du procédé mis en oeuvre, on en tire une grande satisfaction. Après, bien évidemment nous utilisons les ordinateurs tous les jours tant comme outils de communication que comme outils de création sonore ou visuel. On les aime et on les déteste tout à la fois, on en revient donc au meurtre passionnel susmentionné.
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