Cela fait maintenant quelques semaines que l'on vous parle - en tout cas un peu plus que d'habitude - de la convergence de plus en plus évidente entre le club et l'expérimentation. Du pionnier rave Adam X au directeur artistique de Présences électronique, de l'agrégateur et patron de dement3d HBT aux pionniers de Warp Records, on a été parler avec des représentants des deux courants et à ceux qui essaient de les relier.
Un cycle qu'on referme encore un peu sous le choc de la nouvelle de la mort de Mika Vaino, une des têtes de pont de ce courant qui vise à " réconcilier musique de fête nocturne et immersion cérébrale diurne" avec une interview d'un producteur qui a toujours aimé "mettre des éléments un peu ésotériques dans les structures club", le pionnier murder techno Surgeon.
Pur produit de la grise et industrieuse Birmingham, tenant d'une techno froide et précise qui tire autant ses sources de Transmat, Underground Resistance ou Basic Channel que de Coil et Throbbing Gristle, binôme de Regis au sein des regrettés British Murder Boys et de Blawan dans l'entité d'improvisation-destruction Trade, Anthony Child tient le haut du pavé de la techno très méchante et pas moins intelligente depuis 1994 et Surgeon EP. A tel point qu'il peut ouvrir pour Lady Gaga sans que personne ne trouve grand chose à y redire et - encore plus impressionnant au sein d'une scène où pullulent les chapelles et les gardiens du temple de la 909 - se permettre d'avoir de l'humour.
Rencontre avant son passage à Possession la semaine prochaine avec un musicien qui pourrait très bien prendre la pose du vieux sage mais dont l'ambition actuelle est, comme il nous le dit lui-même non sans malice, de décrocher le titre de "mec le mieux habillé de la techno indus".
Je lisais récemment une interview dans laquelle tu disais t'identifier à Peter Christopherson de Coil et à son désir de revenir à la fonction rituelle et sociale de la musique. Quelle est-elle d’après toi ?
Peter parlait du fait que l’usage de la musique comme outil de divertissement est assez récent dans l’histoire de l’humanité, qu'elle a très longtemps été un outil de transcendance dans des cérémonies civiles ou religieuses. Cette fonction est très oubliée aujourd’hui, alors qu'elle est surpuissante. Ce qu’il en disait a eu une grande résonance en moi. Les formes de musique plus abstraites fonctionnent bien dans ce cadre, notamment la techno qui est un outil versatile et flexible qui se prête très bien à cet usage.
Une fonction politique presque ? Récemment j'interviewais Adam X qui me disait que la techno, en tant que genre musical, n’avait aucune portée politique mais une vocation purement cathartique, ça te semble juste ?
Non. En tout cas pas dans mon approche. Chacun des détails de la façon dont je joue et dont je me présente au public sont des prises de position politiques très délibérées. C’est clair pour moi, j’espère que ça l’est pour tous. Quand je joue, je veux que les gens se demandent : qu’est ce que ça pourrait être d’autre ? Qu’est ce que ça pourrait vouloir dire d’autre ? Qu’est ce qui est en train de se passer que je ne perçois pas ?
Un peu moins politique mais aussi déstabilisant, tu es récemment parti à Hawaii pour enregistrer les deux volumes ambient Maui 1 et 2. Je me plante complètement ou tu as voulu “industrialiser” la jungle ? Mettre des vibrations de Birmingham au milieu du soleil d’Hawaii ?
Ce qui est intéressant avec ce projet c’est qu’il a été interprété de plus de façons qu’aucun autre de mes disques. Si chaque interprétation est valide, mon intention en le faisant n’était absolument pas d’évoquer ou de provoquer un sentiment angoissant ou industriel. Plutôt l’inverse. Pour moi c’est plutôt de la musique chaleureuse, organique et gorgée de soleil, même s’il y a ce côté "droit dans les dents".
Qu’est ce que tu penses de la percée de la musique expérimentale dans la musique club qu’on voit de plus en plus depuis quelques années ?
Moi j’ai toujours aimé incorporé des éléments un peu ésotériques dans la structure techno. Je ne suis pas sûr de pouvoir expliquer le regain d'intérêt du public pour la musique expérimentale que l’on connaît ces temps-ci, j’en parle beaucoup autour de moi sans réussir à arriver à une explication logique. Bien des aspects des musiques expérimentales sont devenus “acceptables” pour des audiences de plus en plus large, alors que c’était un phénomène de niche il y a à peine 5 ou 10 ans. J’en suis très heureux, sans trop comprendre le pourquoi du comment.
Un autre motif de satisfaction : tu as été membre de ce que tu as décrit comme “le groupe de space-rock absurde le plus aimé de Grande-Bretagne” avec les British Murder Boys. Tu arrives à te fixer d’autres objectifs de reconnaissance publique ou ça a mis la barre trop haut ?
Tu as raison, ça a mis la barre très haut. Mais il me reste tellement de prix et d’objectifs à décrocher… “L’homme le mieux habillé de la techno indus”, “Le troisième come-back le plus décevant de la techno indus”... Et j’en oublie plein.
Tu joueras un live à Possession à la fin du mois. On doit s'attendre à quoi ?
Honnêtement, le meilleur cadeau que quiconque puisse me faire quand il vient me voir jouer c'est de laisser toutes ses attentes à la porte.
Laissez vos attentes à la porte mais soyez-y quand même : Surgeon jouera aux côtés de Parfait, Pfirter et Blush Response à Possession vendredi prochain.
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