Il n’aura fallu que 4 chansons à Blonde Redhead pour rappeler à l'indie rock (cette chimère) qui sont les patrons. Paru vendredi dernier, l’EP 3 O’Clock fait bien plus que justifier la nouvelle tournée des New-Yorkais. Il réactive des sensations fulgurantes – torpeurs amoureuses, palpitations mélancoliques, saignements de joie - qu’on croyait presque perdues depuis l’insurpassable Misery Is A Butterfly (2004) - même si les albums suivants continuaient de flinguer la concurrence. Avant un concert triomphal (bien qu’un peu mou) au Trianon de Paris, on a taillé le bout de gras avec Simone Pace, batteur et jumeau discret du guitariste-chanteur Amedeo Pace. Qui, pour l’occasion, a bien voulu sortir sa langue de sa poche.
En relisant vos interviews, je me suis rendu compte que tu étais le moins bavard du groupe. Que dois-je en déduire ?
Simone Pace - C’est vrai que d’habitude je les laisse parler. Je pense que les journalistes ont plus envie de s’adresser à eux qu’à moi, parce que je suis le batteur. Il y a ce présupposé selon lequel les batteurs doivent rester en retrait.
Ce qui correspond mal à Blonde Redhead.
En effet.
Au cours des interviews que vous avez faites ces derniers mois, quel a été le pourcentage d’utilisation du mot Trump ?
100%.
Est-ce que vous ressentez, comme beaucoup d’artistes américains, l’urgence de donner votre opinion sur la question ?
Il faut comprendre que tout le monde a été extrêmement surpris par son élection. On s’est tous demandé comment il était arrivé aussi loin. Sa victoire a été très déprimante, mais c’était aussi intéressant de voir les gens se rassembler. Je ressens plus d’unité que jamais entre mes amis et les musiciens que je côtoie. Et j’essaye de comprendre ceux qui ont voté Trump, même si j’en connais peu.
Blonde Redhead existe depuis plus de 20 ans et est toujours allé de l’avant. La parution en 2016 de Masculin Féminin, une compilation de raretés des débuts, vous a poussé à explorer votre passé. Comment l’avez-vous vécu ?
Nos deux premiers albums, réalisés avec Steve Shelley de Sonic Youth, étaient en train de mourir (ndr. Blonde Redhead et La Mia Vita Violenta, tous deux sortis en 1995). Ça me contrariait beaucoup. Kazu était plus détachée, sans doute parce qu’elle n’est pas complètement fière de ces disques. Pour moi, ils sont très importants parce qu’ils montrent qui nous étions à cette époque. Je n’ai pas envie d’avoir honte du passé. Quand nous avons eu l’opportunité de racheter ces disques, nous en avons profité pour faire des recherches. Il se trouve que j’ai conservé plein de cassettes d’enregistrements 4-pistes.
Tu es donc l’archiviste du groupe ?
En quelque sorte. J’ai gardé les cassettes, mais Amadeo et Kazu ont toutes les photos, comme celles de Michael Ackerman et Stefano Giovannini, que j’adore revoir. Ce sont des documents incroyables sur la scène new-yorkaise de cette époque. Moi, quand j’adore un groupe, j’aime savoir comment il sonnait au tout début. Ce n’est pas un travail facile quand il s’agit de soi, un peu comme quand on se replonge dans ses souvenirs d’enfance. Mais je suis heureux que ces disques puissent avoir une seconde vie.
La nouvelle tournée est présentée comme un best-of de votre carrière. Qu’est-ce qui a motivé cette démarche ?
On a cherché un concept sur les conseils d’un ami italien, mais on n’était pas très à l’aise avec l’idée de best of. On a commencé à enregistrer deux nouvelles chansons, "3 O’Clock" et "Golden Light", et on s’est dit qu’il serait bien d’avoir un disque pour donner du sens à cette tournée. Avant cela, on a rejoué l’album Misery Is A Butterfly sur scène aux Etats-Unis avec ACME (ndr. American Contemporary Music Orchestra). On a profité d’un jour off pour enregistrer des cordes avec eux en studio. Quant à "Give Give", c’est une vieille chanson datant de l’époque Penny Sparkle.
Barragán partait dans beaucoup de directions différentes. Au contraire, ce nouvel EP a une identité très marquée, qui rappelle d’ailleurs parfois Misery Is A Butterfly. Vous y avez pensé ?
Non, car Misery ne peut être reproduit. Mais peut-être que tu as raison.
Comment as-tu abordé la batterie sur ces nouvelles chansons ? On a une impression de grande richesse, avec des sources percussives variées.
Quand on a commencé à travailler sur Barragán, je voulais absolument collaborer avec le percussionniste brésilien Mauro Refosco, du groupe Atoms for Peace. Mais notre producteur d’alors (ndr. Drew Brown) a décidé de ne pas utiliser les prises qu’on avait enregistrées ensemble. Du coup, on a remis le couvert sur 3 O’Clock. C’est lui qui fait toutes les petites percussions, et ce ne sont que des premières prises.
Vous n’avez jamais sorti un disque sous ce format maxi. Est-ce le point de départ d’un album ou doit-on s’en contenter ?
On verra. Au début, on voulait faire un volume 1 et un volume 2, puis peut-être les réunir sous forme d’un album, avec un nouveau package et quelques titres en plus. En même temps, 4 chansons, ce n’est pas rien. Cet EP a été fait de manière très instinctive, sans pression, quand nous avions du temps à y consacrer. J’aimerais continuer à travailler de la sorte, même si c’est bien aussi de se réunir tous les trois dans une pièce et d’être au pied du mur.
Le nouveau maxi de Blonde Redhead 3 O'Clock est sorti le 3 mars sur Ponderosa Music & Art.
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