Si la scène post-compost existait autre part que dans notre imagination, Craig Clouse en serait le Monsieur Merde triomphant - et son projet Shit & Shine un des joyaux les plus étincelants. Après un détour par le blast beat-dégueuli façon trash metal des poubelles sur le sursaturé Teardrops l'année dernière, il revient aujourd'hui avec un nouvel album sous le bras et trouve peut-être enfin un écrin adéquat à ses passions coprophiles.
On le sait, la merde a toujours été le carburant principal du travail de Shit & Shine - et pas seulement à cause de son nom. À travers sa discographie pléthorique entamée il y a une dizaine d'années, c'est dans les détritus que son maitre d'œuvre a toujours trouvé satisfaction. Et comme "là où ça sent la merde, ça sent l'être", pour reprendre la célèbre formule d'Artaud, Shit & Shine reprend cet adage et nous sert aujourd'hui ses excréments dans une coupelle d'argent.
Un cœur vigoureux se niche dans la musique de Craig Clouse, derrière (ou à travers) les ordures, les peinturlures boueuses, les obscénités qui en constituent la carcasse. Et sur Total Shit, son nouvel album qui le voit revenir sur le roster du Diagonal de Powell après un passage par les très adultes Editions Mego, Clouse fait désormais feu de tout compost. Entre les relectures moisies de Michael Jackson, les déjections disco funk, les rognures boogie enflammées, c'est comme si, après des années de blast beat bourrine, de reflux hardcore tendancieux et de dérapages techno noise, Clouse avait ressenti le besoin de tomber les masques et de laisser enfin apparaitre les coutures. En ne se cachant plus derrière ses anciens artifices, en ne faisant même plus semblant de ne pas faire autre chose que de court-circuiter (littéralement sur le morceau "Have To Believe") une musique déjà existante, la musique de Shit & Shine est ainsi plus malade, plus infantile, mais aussi plus jouissive que jamais.
Désormais, pas de tergiversations, Clouse met les deux pieds dans le plat de la régression. Les titres des morceaux sont littéraux, injonctifs, rigolards jusque dans la démence ("Hot Shovel", "I Hate This Fucking Machine", "Fuck That", "Stop Saying Awesome"). Rarement aura-t-on senti plaisir si primal dans son travail - pas étonnant qu'il trouve sa meilleure incarnation sur le label de Powell, donc. Tel un enfant revenu au stade anal, il trouve une joie extrême à patauger dans sa fange, à jouer avec le pastiche telle une pâte à modeler, nous regardant une fois le travail achevé, la gueule barbouillée de cochonneries et le sourire jusqu'aux oreilles.
On pourrait rapprocher ces détraquements avec les infantilités d'Eric Copeland, si la musique de Shit & Shine n'était pas aussi dérangée. Caoutchouteuse et capricieuse, elle nous avoue volontiers que tout cela n'est pas bien sérieux, ce qui ne l'empêche pas de nous tancer et de nous inviter en substance à nous tourner du côté de nos pêchés mignons voir si on n'y trouverait pas une planche de salut au milieu du merdier ambiant.
Le nouvel album de Shit & Shine Total Shit est sorti le 3 mars sur Diagonal Records. Il est en écoute intégrale ci-dessous :
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