En 2015 plus que jamais, l'industrie du rap français essaie, avec les moyens limités qui sont les siens, de tenir la dragée haute à un game US en pleine bourre. Avec la création, en 2011, de la succursale française de la maison Def Jam - qui signe aussi bien de vieilles gloires du rap d'ici (IAM, Disiz) que quelques jeunes pousses aux dents longues (Joke, Lacrim, Kaaris) - et la sortie récente d'une poignée de collaborations transatlantiques spectaculaires
(Kaaris avec Future, Booba avec Rick Ross et 2 Chainz, Gradur avec Migos), le miracle pourrait presque finir par se produire. 

En attendant, c'est en marge de ladite industrie, dans un studio d'une dizaine de mètres carrés à quelques encablures du Père-Lachaise, que se fomente l'un des trucs les plus excitants du rap post-2000 : DFHDGB. Derrière l'acronyme (qu'on vous laissera googler), les rappeurs Hyacinthe et L.O.A.S. et le producteur/directeur artistique Krampf. En quatre albums (deux pour Hyacinthe, un pour L.O.A.S. et un projet en commun) et une quinzaine de vidéos, le crew parisien a su développer une esthétique, à la fois musicale et graphique, sans équivalent dans le paysage.

Ici, on a pris conscience de l'ampleur du phénomène au début de l'année civile, avec la mise en ligne du diptyque vidéo "Sur la Route de l'Ammour/Retour aux Pyramides", qui synthétise tout ce que DFHDGB sait faire : du rap virtuose et irréverencieux qui reprend à son compte les codes en vigueur à Oakland, Chicago et Atlanta (cloud, drill et trap sont passés au broyeur) et se paie même le luxe de piétiner le patrimoine hexagonal ("Retour aux Pyramides" est aussi le titre d'un des grands classiques du rap français des 90's). En un mot comme en cent, la seule chose produite chez nous qu'on peut écouter entre un morceau de Young Thug et de Main Attrakionz.

L'équipe de La Souterraine, dont le discernement et l'ouverture d'esprit ne sont plus à prouver, vient de compiler dix titres du glabre et vulgaire Hyacinthe (dont trois avec son hirsute acolyte L.O.A.S.). En sus : un inédit que Hyacinthe, pas mécontent de son effet, décrit comme son morceau shoegaze, "Janis & Rihanna".

Ça s'écoute juste en dessous en avant-première et ça s'acquiert (en name your price) par là.

Hyacinthe, L.O.A.S et Krampf seront en concert à l'International le 13 mai.