Charlie O., c’est ce type un peu chauve et portant belle moustache qui semble toujours un peu sorti d’un film de Lautner ou Melville, débutant et concluant invariablement chaque conversation par « Bon week-end ? » ou « Bon week-end ! », et que vous avez pu voir œuvrer depuis 20 ans environ, à l’orgue Hammond principalement, aux côtés d’une palanquée d’artistes talentueux (en vrac : Peter von Poehl, Mendelson, la Poésie B, Quentin Rollet, Noël Akchoté, David Grubbs, Katerine, Jean-Louis Costes, Mohamed Lamouri et Groupe Mostla, Etienne de Crecy, Akosh S, Red, Cosmo Vitelli, Mathilde Monnier, Cédric Klapish ou John B. Root (oui oui)).
Après The President (2005) et Double Drums (2007), Charlie a sorti en 2015 l’album Marguerite , entièrement joué sur l'orgue de l'église Sainte-Marguerite du neuvième arrondissement de Marseille, sécularisant à sa manière le vieil instrument liturgique, en lui faisant jouer de ses influences, savantes (Philip Glass, Arvo Pärt, Bach) ou populaires (De Roubaix, Fats Waller, Nino Rota), sans réellement faire de distinctions entre les deux d’ailleurs, pas plus qu’entre le divin et le profane. Réveillant l’instrument jusqu’ici endormi dans son classicisme, Charlie O le faisait aussi voyager d’ici-maintenant vers un lointain Orient lumineux, celui vers lequel se tourne la radieuse cité phocéenne.
Avec M2 , suite de Marguerite, l’organiste change de braquet en rendant hommage au duo techno-dub Maurizio (Moritz von Oswald et Mark Ernestus), pionnier du minimalisme berlinois à la fin des années 1990 avec leur label Basic Channel et leurs multiples projets (dont Rhythm and Sound, plus dub et ambient). « M2 est plus un clin d'œil au système de numérotation de leurs albums, après "Marguerite", M2, M3, etc., qu'un hommage musical direct, explique Charlie. Mais j'aime beaucoup leur utilisation des effets pour construire les mixes dans les pièces de cette époque : des effets en série et en parallèle, de brefs envois d'effets dans des délais qui repassent dans des phasings, etc., en cascade. Et toujours un son énorme, très grave et dynamique. »
Un peu plus mélodiques et moins minimales que celles du duo berlinois, les pistes de M2 , évoquent aussi les litanies enfantines et électroniques de François de Roubaix et Raymond Scott, ou les trips aquatiques, entre ambient et exotica, de Tipsy, Woo, ou, plus près de nous, récemment, Ojard. Il n’empêche, le détournement électronique de l’instrument pour lui faire rendre beats et bleeps fonctionne parfaitement. « Pour M2 j'ai répété, essayé, composé et enregistré au casque, avec des micros en proximité des tuyaux, ce qui supprime une bonne partie de l'acoustique naturelle de l'église. Ce qui m'a permis d'intercaler tous les effets que je voulais, comme un guitariste qui joue avec son rack de pédales : des pédales Moog, des filtres résonnants, etc., puis de faire des aller-retours en studio en enregistrant aussi de l'orgue Hammond, Minimoog, etc. C'est l'idée de sortir l'orgue de l'église et de le faire rentrer dans le studio, voire de l'utiliser comme un générateur de fréquences ! »
Avant de le retrouver dans d’autres églises à faire trembler les vitraux, ou sur scène avec le chanteur de la ligne 2 Mohamed Lamouri, on peut écouter « Marguerite », « M2 » et les cinq titres, influences musicales, ou techniques, qu’on lui a demandé de commenter, ci-dessous...
From SOURCE: Rhythm & Sound - Let we go - (feat. Ras Donovan & Ras Perez)
Maurizio - Rhythm & Sound - Let We Go : un instru unique de 40 minutes, sur lequel différents chanteurs se succèdent pour un long poème musicale, une merveille.
[NDR : Comme on a trouvé nulle part sur le net la version dont parle Charlie, on vous met ici la version courte. Vous n’avez qu’à digger sur Discogs]
Scarlatti - Sonata in A Major, K 39
Scarlatti, joué par Horowitz (qui le rafraîchit en le jouant au piano). Exact contemporain de Bach, il n'a pas de descendance directe et la forme musicale est très originale : de petites formes, un rythme harmonique très libre et très différent des successeurs de Bach, je dirais même jusqu'à aujourd'hui, et c'est très inspirant.
Stevie Wonder – BOF Journey Thru The Secret Life of Plants
Le FILM dont est extraite la BO de Stevie Wonder. Une version de qualité abominable existe sur youtube : il faut le télécharger avec le fichier torrent pour avoir une belle image de ce chef-d'œuvre babacool. Sinon le film n'est jamais sorti en salle, ni en DVD ou autrement. »
[NDR : On en a trouvé une version pas si mal sur youtube, nous :]"Après un Rêve" Gabriel FAURE Orgue André ROSSI Violoncelle François Olivier de Sardan
« Et pour la bonne bouche : "Après un Rêve" de Gabriel Fauré joué par André Rossi sur l'orgue de l'église Sainte-Marguerite »
Charlie O. – M2
SOUNDS LIKE YEAH ! Records (Vinyle 33T + digital)
http://www.unbonweekend.com/
Photo: Emmanuel Bacquet