Ne pas se laisser berner par le titre en idéogrammes et la thématique sinophile: Bon Voyage, la machine à rêver du brillant Adrien Durand (un homonyme de notre Adrien Durand à nous, c'est à préciser) n'a qu'un horizon, la grande disco music à tendance électronique et progressive de la toute fin des années 70 qui faisait danser en rond toute la planète, de Paris à Tokyo, autour du même amour des strobo et des robots.
Ou, si l'on veut être un peu plus précis pour ce qui concerne ce XĪNGYÈ qui fleure bon le méthane et le wǔxiāng fěn, la sous-famille du disco dite "exotique", qui collait avec plus ou moins de distance, plus ou moins d'ironie les images d'épinal des contrées lointaines (Afrique, Asie, URSS, Amérique du Sud...) de la bonne vieille exotica des familles sur ses divers attirails de grooves et de mélodies.
Ou, pour un peu plus précis encore, la sous-sous famille orientaliste (dite "fièvre jaune") très largement inspirée par les pieds de nez visionnaires de Haruomi Hosono et de son Yellow Magic Band bientôt rebaptisé Yellow Magic Orchestra ("Tong Poo", "La Femme Chinoise", le tube orientaliste "Firecracker" de Martin Denny revu et corrigé en version future disco...) qui a perduré jusqu'au milieu des années 80 et dont quelques exemples évident seraient l'"Orient Express" de Wish Key, le "China Star" de Kano ou le "Key West" de Claudio Simonetti pour son projet Kasso.
Quoi qu'il en soit, quelque chose nous dit que Durand n'a pas nommé son projet Bon Voyage par hasard: sa musique donne évidemment très envie d'embarquer sur un vol Air France en 1979 mais fait surtout quelque chose de très fort et de très intelligent avec l'héritage orientaliste des années 70/80. Accompagné d'un vrai groupe ("un guitariste, un flûtiste, et plusieurs chanteuses dont la popstar chinoise Li Lijuan"), le Français entend "tirer une ligne droite entre Gold et Ornette Coleman" et sort surtout le grand jeu onirique façon roman d'espionnage truculent à lire sur la plage.
Comme une pile de S.A.S. ou une sempiternelle musique de film imaginaire (précis et éduqué, Durand aime à citer Zappa sur le sujet: "Music for a film we haven't got enough to finish yet"), XĪNGYÈ nous ballade d'une "vision futuriste de la Chine de Deng Xiaoping" jusqu'à un "roman noir transposé du Los Angeles des années 50 aux comptoirs ELF d’Afrique Occidentale" et il va sans dire que la musique, mitonnée/arrangée/jouée aux petits oignons et sans aucune restriction budgétaire sur les synthés les plus rares du monde est à l'avenant de cette folie référentielle et voyageuse. En d'autres termes, XĪNGYÈ ne dure pas une demi-heure mais fait l'extravagance onirique la plus engageante depuis le dernier Legowelt, à l'aise, et le plus beau disque de musique électronique française inspiré par la Chine depuis le Pop Soda de Technasia.
XĪNGYÈ sort le 8 juin prochain via Disque Pointu, le label de La Femme.
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