Compiler en 350 pages près d’un siècle de création musicale à Berlin. Objectif couillu, tâche ardu mais pari réussi pour son auteur, Théo Lessour. Il en ressort plus d’une centaine d’œuvres commentées permettant au lecteur de mieux appréhender la ville en l’écoutant.
La force du bouquin est de naviguer entre les courants musicaux - historiques, oubliés ou confidentiels – qui ont construit les multiples identités sonores de Berlin: la poésie dada de 1918, le cabaret-revue sous Weimar, le swing à l’époque du nazisme, l’école électronique berlinoise des années 70, le Krautrock, le punk, la “nouvelle vague allemande”, la proto-techno, la minimale et d’autres encore.
Pour ce faire et éviter de tomber dans les affres des subdivisions stériles de genres, l’auteur, futé, dégage quatre grandes tendances musicales, quatre chapitres. Il y a d’abord l’E-Musik, “E” pour Ernste soit la musique “savante” (classique et contemporaine). Vient ensuite l’U-Musik: Unterhaltungsmusik. C’est la musique de divertissement qui comprend, au sens large, la deutsche chanson, le cabaret, l’importation du jazz et du rock américain, la pop, etc. L’appellation A-Musik regroupe la scène Alternative et renvoie à la création a-musicale, non musicale, qui préfère le bruit à la note, le son plutôt que la mélodie. Enfin, le mouvement techno qui conféra à Berlin une place stratégique sur l’échiquier mondial des musiques électroniques.
Au détour des pages, on y croise Arnold Schöneberg, Bertold Brecht & Kurt Weill, Marlene Dietrich, Amon Düül, Tangerine Dream, Ash Ra Tempel, Nick Cave, Bowie & Iggy Pop, Nina Hagen, Brian Eno, Nena, Wim Wenders, Atari Teenage Riot, Westbam, Basic Channel, Peaches, Ellen Allien, et plein d’autres références qui rassasieront le lecteur/auditeur musicophage.
Ce bouquin aurait pu n’être qu’un banal catalogue alignant les noms de groupes, mais il n’en est rien. Théo Lessour ne se veut ni historien, ni sociologue, mais simple profane éclairé. Il prend soin de réintégrer chaque référence dans son contexte (culturel, politique, socio-économique) afin de mieux démêler les entrelacs des courants musicaux qui furent tissés tout au long du siècle.
L’auteur tient aussi un blog, en complément de son ouvrage, et propose un site contenant certaines œuvres citées en écoute. Un bouquin, un blog, un site, Berlin Sampler est un projet global permettant l’immersion totale dans le son de Berlin.
Notons que cet ouvrage n’est que le premier d’une collection initiée par l’éditeur Ollendorff & Desseins. Prochaines étapes du sampler: Detroit et Manchester. On a hâte.
Théo Lessour, Berlin Sampler, Ollendorff & Desseins, 368 p.
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