Prismatic de Byron Westbrook est un des morceaux d'ambient les plus pénétrants qu'on ait entendus cette année

Hier, on louait la générosité des artistes prompts à aider le critique à s'y retrouver, en parlant de Clarence Rise et sa manière d'amener lui-même l'exégète vers des terrains fangeux. Cette bienveillance peut être appliquée d'une manière générale aux musiciens qui nomment leurs morceaux d'une manière littérale, aidant en cela le critique, non pas seulement à se repérer stylistiquement, mais à lui faciliter la tâche lorsqu'il s'agit de trouver des périphrases impressonnistes adéquates pour parler de leur musique. Parmi les exemples nombreux, on peut notamment compter les fameux "The Robots" de Kraftwerk, Cubist Blues d'Alan Vega, Alex Chilton et Ben Vaughn, ou encore "Spirits Drifting" de Brian Eno (j'imagine que vous prendrez un malin plaisir à en citer plein d'autres dans la boite à commentaires ci-dessous). Eh bien, le cas de Byron Westbrook qui nous concerne aujourd'hui rentre parfaitement dans cette catégorie.

Son premier album sous son nom, Precipe, en écoute intégrale ci-dessous via Fact Mag, sortira le 2 octobre sur le label noise Root Strata. Et en nommant les pistes qui le composent "Spectral Ascension", "Infinite Sustain", "Fractal Shift" et "Prismatic", Byron Westbrook, qui a notamment évolué sous l'alias Corridors, nous prémâche pour ainsi dire le travail. Sorte de repaire ambient insulaire, le disque n'existe pour ainsi dire que par et pour lui-même, dans le sens où l'on n'a pas nécessairement besoin de connaître par cœur la liste des Stratégies Obliques du monsieur cité ci-dessus ou le tracklisting complet des Selected Ambient Works Volume II d'Aphex Twin (attention, il y a un piège) pour apprécier la beauté souveraine de l'ouvrage. "Prismatic", qui clôture le disque, accroche particulièrement l'oreille et porte merveilleusement bien son nom : débutant sur une note tenue sur près de deux minutes, le titre "explose" ensuite en des entrelacs pénétrants, et pour le coup, prismatiques, nous plongeant ainsi dans une sorte de langueur cotonneuse tellement persistante qu'on se demande si l'emploi de l'adjectif "séraphique" a déjà été utilisé sur The Drone. Si ce n'était déjà le cas, c'est en tout cas maintenant chose faite.