On a déjà eu l'occasion de l'écrire quelques fois, on est très admiratifs de la musique de Powerdove. Admiratifs de ses chansons déjà, avatars de cette americana intimiste, travaillée par le chaos qui faisait florès sur Drag City ou Touch & Go dans les années 90, et dont les représentantes et représentants se comptent aujourd'hui sur les doigts d'une main. Admiratifs ensuite des formes accidentées et volontiers savantes qu'elle leur fait prendre, accompagnée des explorateurs de bidules à cordes, à peau ou à lampes que sont John Dieterich de Deerhoof et Thomas Bonvalet de L'Ocelle Mare. Admiratifs de sa voix, enfin, profonde, lourde, faussement retenue, embrassante comme celles de feu Cynthia Dall ou de Valerie Trebeljahr de Lali Puna.
Improvisatrice chevronnée (munie d'un accordéon, elle a accompagné peu ou prou tous les dieux de Canterbury, Fred Frith, Chris Cutler ou Charles Hayward), éduquée à l'art de la chanson hirsute par le meilleur des professeurs possible dans le domaine (Chris Cohen des Curtains et de Cryptacize), Annie Lewandowski n'est évidemment pas la première à forcer le chevauchement des continents de Americana et Musique nouvelle - de Pearls Before Swine à Gastr del Sol en passant par Arthur Russell (qu'elle reprend ici), cette zone d'indiscernabilité est même une sous-tradition à part de la musique pop américaine.
Mais son art et sa manière ont quelque chose d'incroyablement engageant et vivifiant, particulièrement en cette morne période de retour à la norme classic rock après des années de détonations formelles tous azimutz pour l'indie rock (d'Animal Collective à Battles, vous voyez où je veux en venir). Et à l'exacte opposé des architectures bluffantes mais quelque peu clinquantes d'une autre Annie (St. Vincent) dont la musique est justement le précipité exact de cette veine rutilante de l'indie pop des années 2000, les miniatures de bruits et de douceur qui composent Arrest, son nouvel album à sortir incessamment sur Murailles Music, sonnent moins comme des pénibles déconstructions que comme des évidences, extraites de quelque couloir secret de la lignée la plus ancestrale de la musique américaine.
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