Question de fond: quand avez-vous eu l'impression pour la dernière fois, en écoutant un disque de house music, que le sol se dérobait sous vos pieds et que vous n'aviez jamais rien entendu de ressemblant auparavant ?
C'est une question un peu méchante qu'on pose de manière détournée à peu près à chaque fois qu'on écrit une notule sur une nouveaut du genre et à laquelle on répond toujours avec un peu de mauvaise foi et d'onguent rhétorique. Mais au fond du coeur, on connaît tous la terrible vérité : ça fait trop longtemps que la house se repose sur ses lauriers et tous ceux qui agissent pour la réinventer le font à la marge, pour les esthètes presque exclusivement, finalement plus près de la galerie d'art que de la piste de danse.
Loin d'avoir révolutionné jusqu'ici le schmilblick avec ses propres disques, le vaillant (et toujours souriant) Andrew Field-Pickering fait partie de ceux qui se refusent à cesser de chercher. Que ce soit en solo sous le nom de Maxmillion Dunbar ou Max D, en duo avec Ari Goldman au sein du duo Beautiful Swimmers ou en chef de file du crew Future Times, l'Américain n'a de cesse depuis 2008 de violenter la house, de la faire vaciller, de lui faire subir les pires outrages jusqu'à l'emmener vers des territoires effectivement plus proches de l'ambient ou de Terry Riley que de Larry Heard ou des Masters at Work. Mais Max ne perd jamais de vue la culture d'où il vient et d'où coule sa musique électronique, comme s'il savait au fond du coeur qu'au final, elle finira par y retourner.
Alors c'est indéniable, deux bons tiers de son nouveau Boost qui vient de sortir sur Future Times sonts apte à provoquer des lynchages de DJ en peaktime au Rex ou à la Concrete. Andrew Field-Pickering déclare dans la présentation du disque avoir agi sous l'impulsion d'un désir profond de liberté, dans la foulée des sessions d'enregistrement du premier album (paru sur Pan) de Lifted, big band de musique électronique en liberté qu'il forme avec Co La, Gigi Masin, Jordan GCZ de Juju & Jordash et quelques autres - et on le croît sur parole.
Mais ce qui apparaît très clairement au-delà de l'absence criante de hooks, de drops ou de rythmes en 4/4, c'est que Boost ne passe jamais le seuil qui sépare la house music de la musique expérimentale et qu'il agit au final plus pour la survie de la house que son démantèlement; ou pour le dire autrement : Boost est un disque qui a l'air d'avoir été conçu pour tous les fans de house music qui n'en peuvent plus de la voir empêtrée dans les dogmes et sous le joug des puristes qui ne supportent pas de la voir évoluer d'un iota. Album inégal, expérimental au sens le plus littéral du terme, Boost ne s'avance aucunement comme le futur de la dance music mais comme une étape intermédiaire vers un de ses futurs possibles et c'est absolument passionnant.
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