Bloody hell, les Rosbifs peuvent être fiers d'eux. Vingt ans qu'ils attendent ça. Vingt ans qu'ils triment. Vingt ans que le reste du monde s'en fout un peu (ou beaucoup) et préfère célébrer ses machins crossover, sa drum&bass, sa dance du ghetto. Mais là, plus question de trajets en double-decker sous la pluie, d'infrabasse ou de saccades soca: à chaque nouveau remix, à chaque nouveau maxi, Julio Bashmore avance un peu plus près de la grosse house américaine, celle qui roule en hummer et qui se vante de raccrocher au téléphone de Madonna quand elle appelle pour quémander un remix. Au coeur de l'ouragan post-dubstep, l'effronterie avec laquelle le rouquin s'attaque à l'héritage des DJ roitelets de l'âge d'or du garage new-yorkais (les Masters at Work, Junior Vasquez ou Danny Tenaglia) a quelque chose d'attendrissant. Quand on sait qu'il a découvert la musique électronique avec Daft Punk et qu'il vient de Bristol, c'en est même franchement émouvant. Là, le simple fait de voir son nom à côté de celui de Justin Timberlake ressemble à une victoire inespérée sur une malédiction vieille de deux décennies et qu'on pensait être une fatalité.

Les mains dans les poches, son remix du "Suit & Tie" de Justin Timberlake ressemble exactement ce qu'on attendait d'un remix de Junior Vasquez ou Todd Terry en 1995: de la grosse house un peu conne et sans surprise, un tout petit peu plus qu'utilitaire, fière d'être un peu conne, sans surprise et un tout petit peu plus qu'utilitaire mais sûrement irresistible aux aurores, après 5 refills de vodka tonic.

Bien sûr, Bashmore ne photocopie pas et amène quelques formes et patterns inédits sur la table. Mais soyons sérieux, le miracle est ailleurs: car combien de virages et de circonvolutions la dance music britannique aura-t-elle dû emprunter pour en arriver à un truc aussi évident et aussi simple? Sur DJ Rankings, le genre indiqué à côté de son nom est "commercial dance". Voilà, on fait la ola.