On aurait vraiment aimé que le major debut de Kevin Gates - que l'on tient depuis The Luca Brasi Story (2013) comme l'un des tous meilleurs rappeurs du circuit - fasse le casse de l'année. Qu'il se hisse tout en haut du billboard et qu'enfin le Louisianais ait la carrière (inter) nationale qu'il mérite, qu'il se trouve une place au chaud entre Drake et Future dont il est l'un des semblables. Au vu des performances commerciales faiblardes des singles "Really, Really" et "Two Phones" qu'Atlantic Records a envoyé en pli express aux radios commerciales US pour rassurer les chefs de rayon de Best Buy qui ne voyaient en Gates qu'un rappeur régional qui a raté son heure, quelques semaines avant la mise en bacs d'Islah, il semblerait bien que le hold-up n'ait pas lieu (même si, pour tout dire, les projections de ventes en première semaine - plus ou moins 80 000 albums vendus - sont plus qu'honnêtes).

À l'inverse d'un Meek Mill, Kevin Gates n'a pas cédé pendant les réunions interminables avec les DA dégarnis et pas mal largués qui lui passaient en boucle des vidéos de Wiz Khalifa ou Fetty Wap, lui conseillaient de mettre un peu d'eau tiède dans son vin, le menaçaient de repousser encore un peu la sortie de cet album que Gates porte en lui depuis l'époque où Lil Wayne et Birdman l'ont attrapé à sa sortie de prison pour l'enroler chez Young Money (et ont failli l'enterrer). Il n'a pas cédé et les a eus à l'usure.

Au final, Islah, sorti vendredi dernier en numérique et vrai compact-disc à l'ancienne, est dense et rentre-dedans comme les meilleures mixtapes du rappeur de Baton-Rouge. 17 morceaux - dont les 7 singles sortis depuis cet été - dans la pure veine street-rap sensible que Kevin développe depuis Luca Brasi ("Hard For", avec sa petite guitare acoustique, et "Jam" avec les crooners Ty Dolla Sign, Jamie Foxx et Trey Songz sur la version deluxe, font un peu figure d'exception). Alors, bien sûr, on ne peut pas tout avoir et pour nous autres (les 300 000 personnes qui téléchargeons chaque mixtape de Gates le jour de leur mise en ligne sur Datpiff), Islah n'est pas un album très surprenant. On connait par coeur ces séquences de rap racé, ces refrains sanglotants, ce va-et-vient permanent entre repentance (Gates n'est pas exactement un citoyen modèle) et braggadocio qui sont les marques de fabrique de Kevin ; mais on est magnanimes et on pense aux centaines de milliers de gens qui vont découvrir cette personnalité unique du rap game avec Islah, qui est un foutu bon disque de rap. Merci quand même les DA dégarnis.

Islah est disponible sur iTunes, Spotify, Deezer et chez les disquaires.

PS : On en profite au passage pour dire que Boosie Badazz (fka Lil Boosie), avec lequel Gates a démarré à Baton Rouge et qui vient de gagner sa bataille contre le cancer, a sorti une mixtape tout ce qu'il y a de recommandable. On peut aussi écouter le morceau que Young Thug lui a dédié, pendant qu'on y est.