Le patron me demandant d'en remette une louche sur Kubin, je préviendrai d'entrée que pour les bons mots et les gossips, il faudra vous reporter à l'une de nos précédentes incursions en terres hambourgeoises. L'heure est au solennel, et l'hyperactivité discographique notoire dudit personnage ne saurait sous aucun prétexte minorer l'évènement de ce mois de novembre: car faisant suite à la publication de moult pièces radiophoniques, collaborations et tangentes pré-avant-gardistes diverses, voici venir, si je ne me trompe, le premier véritable album pop de notre homme depuis Matki Wandalki.
2004, soit presque une décennie écoulée, c'est invraisemblable pour qui connait la vitalité de la production du gentleman germanique. Mais c'est peut-être aussi la clé de sa pertinence. S'il est le grand absent des non-pages de la presse musicale française (on attend toujours ne serait-ce qu'un entretien convenable), Kubin traverse les décennies, intemporel, cohérent, jamais lassant. Aucun hasard dans le fait qu'il continue de blinder sereinement sa jauge de 400 à chaque passage dans la capitale tout en restant sous le radar promotionnel hexagonal: l'essayer, c'est l'adopter, le phénomène est vérifié jusque parmi les plus aguerris de mes anciens colocataires.
Lorsqu'un artiste quelconque convoque habituellement dans son discours "l'influence du surréalisme", la catastrophe ne saurait être qu'imminente. Étrangement, ce que tant d'autres emploient comme cache-misère d'un onirisme facile et de mystifications bidons, Kubin s'en saisit comme d'un prisme apte à le guider dans la quête d'une élégance jamais superficielle. Et ses quelques parti-pris ponctuellement discutables en matière de coupes de cheveux n'y changent rien.
Synthétiseur analogique, orgue électrique, batterie funk ou vaudou: son retrofuturisme qui ne date pas d'hier prend ces temps-ci un sens nouveau à l'ère du digging généralisé et des revival dévitalisés. L'une des raisons résidant peut-être dans le fait que lui, depuis son adolescence ne n'est jamais arrêté. Enfant étrange construisant très tôt sa grammaire, il semble conserver, obsessionnellement, toute son étrangeté atonale, ses désaccords d'éternel jeune homme. Ce plaisir simple de gamin qui consiste à tourner le bouton à fond, on le retrouve encore aujourd'hui sur l'un morceaux de cette nouvelle livraison ( "speed"), venant faire positivement écho à ses œuvres de jeunesse. Ailleurs, les choses ont indiscutablement évolué. Dans le son, la profondeur: Kubin chante, reprend "Lightnin Strikes" sans singer Klaus Nomi, promène Orwell à Alphaville tout au long de ses plages cinématiques, projetant ses séquences électro-swing, jamais vulgaires, dans le laboratoire d'une musique concrète, adulte, achevée.
Un parcours qui n'hésite pas à prendre les chemins les plus casse-gueule, cas d'école avec ce featuring Nicolas Ekla: ou comment ce qui chez n'importe qui d'autre pourrait faire redouter une imitation de Gainsbourg par Eric Elmosnino enfonce le clou jusqu'à nous faire oublier la statue du commandeur pour redonner aux gens le droit de faire ça. Et si vous ne connaissez pas les Brochettes, fabuleux groupe du Nicolas sus-mentionné, dites-vous que c'était à peu près le meilleur truc de 1998, quand vous habitiez à Saint-Étienne, Dijon ou Charleroi, et que le magazine Jade, bancal autant qu'indispensable à l'époque d'avant l'internet, était encore en kiosques.
PS - Ne ratez pas le passage annuel du Kubin au BB Mix de l'année. C'est en novembre et on vous en a déjà parlé ici.
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