Quelque part dans Thomas L’Imposteur de Cocteau est fait référence au courage « comme la plus grande des vertus » (impossible de retrouver la citation exacte, vous m’excuserez). Une idée partagée par Churchill puisque selon lui, elle était le socle indispensable pour s’ouvrir aux autres vertus. C’est sensé (et quoi qu’il en soit on n’ira pas débattre sur la pertinence des propos de Churchill) et ça s’applique fondamentalement à la route empruntée par In Paradisum depuis sa création, épaississant sans cesse sa témérité - la nouvelle ouvrant toujours la porte à la prochaine.

Outre la série des Half Cuts – dont nous avons déjà parlé et dont nous reparlerons – In Paradisum lance la série des IPX en cette fin d'année 2015. Selon les mots des hôtes de ces bois, la série ambitionne de poser ses lumières sur « différentes relations à l'inspiration du live dans la production ». Le deuxième épisode après un premier signé Somaticae (on en parle vite) s’appelle Kairos, il est mené par Mätisse, trio spontané de Gregory Buffier (Saåad) et deux camarades (Raphaël Otchakowski et Cymon Lamarre) réunis dans une maison de campagne pour enregistrer leurs longues digressions. 

Ce que l’on propose à nos sens ici, c’est un objet en mouvement permanent, un mobile musical, qui se métamorphose au gré de sa lévitation. Deux grands drapés sont déployés, dans leurs fibres, du classique et du contemporain aléatoire (certaines marottes de Cage ou Xanakis), du drone, de l’ambient et des chants rituels. En somme, deux belles pièces de flâneries célestes. Cela dit, lorsque l’on observe l’objet par ses titres, une nouvelle lumière apparait. Kairos est un concept mythologique qualifiant le « temps de l'occasion opportune ». Il est l’instant T de l’opportunité. La Face A se nomme Eugène, qui signifie « bien-né » et la face B Polémos renvoie à la philosophie d’Héraclite qui le qualifiait de « père de toute chose ». 

Si de prime abord, Kairos orchestre les errances de ces navires hantés qui résident dans la brume, il détient plus. Des idées, un propos – sans questionnement - sur la maïeutique, le temps réel dans l’œuvre (la compression d’un temps, celui de la composition, dans un autre temps, celui de l’œuvre), de ce qui détermine une composition (ici : la rencontre, l’instant, le hasard) et la paternité de son auteur. Un travail tout en symboles, qui se révèle de lui-même à son auteur et cherche à savoir si l’aléatoire est « le vrai paratonnerre de la beauté ».

Kairos sort aujourd’hui même chez In Paradisum.