Parfois, on n'a pas besoin de grand-chose (deux petites lettres) pour provoquer chez les ayatollahs du bon goût des débuts de spasmes et de convulsions intestinales. Par exemple, il suffit qu'on accole le préfixe nu (rajoutez un tréma et, alors là, le nouveau nü devient carrément infernal) à un genre musical pour que celui-ci se trouve automatiquement voué aux gémonies. Nu Metal, Nu Rave, Nu Disco, Nu Jazz, Nu Flamenco (pourquoi pas, hein) : autant d'horizons différents ayant pour dénominateur commun, chacun avec leurs attributs, une certaine vision de l'enfer musical. Pourtant, il existe de très bonnes choses dans le Nu Jazz (restez, s'il-vous-plait), en dehors des horribles compilations Saint-Germain-des-Prés et des trucs pas très recommendables d'Erik Truffaz : une liberté de ton, une certaine idée de l'exploration et d'esprit d'expérimentation qui s'éloignent du sentiment artificiel que l'on peut éprouver d'ordinaire face à ces inclinations.
Prenez Flanger, par exemple : je suis sûr qu'Uwe Schmidt et Burnt Friedman se foutent de toute façon éperdument de ce genre de considérations de chapelle, trop occupés à sortir ensemble des disques téméraires et risque-tout depuis 1999. On ne présente plus le premier, plus connu sous le nom d'Atom Heart et de ses innombrables projets annexes, éminente voix de la musique électronique allemande contemporaine. La place de son acolyte n'est pas moins émérite dans le paysage musical teuton puisque Burnt Friedman officie depuis près de 40 ans dans le circuit et qu'il a, entre autres, collaboré avec le batteur de Can, Jaki Liebezeit, notamment sur le projet Secret Rhythms, désormais marque déposée du label Nonplace qu'il tient justement.
Après dix ans de silence discographique, Flanger revient le 16 octobre avec Lollopy Dripper, album iconoclaste qui confirme la propension du duo à ne pas se faire coincer là où on pourrait les attendre. Composé dans le studio berlinois de Friedman en mode insulaire (seul apport de l'extérieur : le saxophoniste Hayden Chisholm, présent sur deux morceaux), leur nouveau disque ne s'aventure vers le jazz électronique que pour le plaisir de faire grincer des dents. D'ailleurs, des deux premiers extraits dévoilés, "Spin", en écoute ci-dessous, n'a absolument rien à voir avec du jazz.
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