Prenons-tous un moment, si vous le voulez bien, avant de commencer la semaine, et écoutons un morceau de musique. Un morceau long, dur, pur que nous allons tâcher d'écouter en entier malgré les obligations, les distractions, les coups de fil à passer. Un morceau hors du temps, joué par un vieil homme, seul, avec son violon, un peu d'électronique, un ampli pour faire porter le son par-delà son corps, jusqu'à son prochain, jusqu'aux Sphères qui tournent en harmonie dans l'univers.
Anthony Schmaltz Conrad, plus connu sous le nom de Tony Conrad, est mort samedi. Si vous ne le connaissez que de nom, vous connaissez sa musique jusqu'au plus profond de votre être, parce que vous l'aviez dans l'oreille avant d'entendre votre première note de musique ou parce qu'elle a changé votre vie quand vous l'avez découverte à travers celles de ses disciples, The Velvet Underground, Faust, Phill Niblock, Jim O'Rourke, Sunn O))), Laurie Anderson, Throbbing Gristle ou Yann Gourdon.
Tony Conrad, avec son violon, son esprit et ses intuitions, a inventé aux côtés de John Cale, La Monte Young et Terry Riley l'une des musiques les plus essentielles de notre ère. Au sein du Theatre of Eternal Music, des Primitives (version embryonnaire du Velvet) avec une caméra ou seul avec un magnétophone, cet authentique pionnier est le premier à avoir mis à jour le lien entre l'avant-garde occidentale, le rock, la musique ancestrale du sous-continent indien et plus, tellement plus pour peu qu'on y regarde d'un peu plus près.
The Primitives, version embryonnaire du Velvet Underground avec Conrad, Lou Reed, John Cale et Walter Maria.
Longtemps tenu à l'écart de l'histoire officielle de la musique expérimentale américaine pour cause d'humilité extrême et d'impossibilité pratique d'écouter sa musique (jusqu'à Slapping Pythagoras paru sur Table of The Elements en 1995, le seul enregistrement disponible de Conrad était le légendaire Outside The Dream Syndicate, enregistré à la hâte avec Faust en 1973), Tony Conrad assumait timidement son statut d'innovateur depuis une quinzaine d'années, donnant conférences, concerts et entretiens à tous ceux qui voulaient bien l'écouter (notamment la cinéaste Marie Losier, qui lui a consacré un très beau portrait en 2008, DreaMinimalist). A quelques bifurcations près, il y a de grandes chances que la grande exposition sur le Velvet Underground qu'on peut voir en ce moment à la Philarmonie de Paris lui aurait été consacré.
Nous vous proposons d'écouter en entier une performance live de Four Violins, composition pour quatre violons superposés dont la première version a été enregistrée à New York pendant l'été 1964 et éditée pour la première fois par Table of the Elements en 1996. Peu d'oeuvres de l'avant-garde new-yorkaise des années 1960 ont eu plus d'influence et de repercussions sur la musique de notre temps.
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