Raz Ohara (Patrick Rasmussen de son vrai nom) fait partie de la race étrange des "chanteurs de musique électronique", dont on découvre généralement la voix avant le nom parce qu'ils chantent sur les disques des autres. A l'instar de Jessie Ware qui a commencé dans l'ombre de Joker et SBTRKT ou de Lucca Santucci, chanteur attitré de Leila, Plaid et Stubborn Heart, beaucoup ont découvert la voix de miel de ce Danois-Berlinois sur les disques d'Apparat, Pier Bucci ou Alexander Kowalski.
Mais à la différence des deux divas sus citées, Raz Ohara est aussi - surtout - un songwriter et un bricoleurs d'ondes sinusoïdales singulier dont les premiers disques perso sont sorties à l'orée des années 2000 chez la petite institution Kitty-Yo. Sa petite histoire commence même comme un biopic: le gars dit avoir été inspiré par ce qu'il entendait depuis son premier appart berlinois situé au dessus d’un club de jazz. Il fait des démos, les distribue, dont une au bureau du label Kitty-Yo, y retourne pour la récupérer parce qu’il n’en a plus et se fait tenir la jambe par le patron du label qui le signe. Depuis, il a travaillé avec le belge Oliver Doerell (l’une des moitiés de SWOD, entre autres), fondé le Raz Ohara and The Odd Orchestra, chanté pour Apparat donc et pour quelques autres, s'est mis au sitar (l'histoire ne dit pas s'il est devenu un virtuose de l'instrument). Jusqu'à ce nouvel album, son premier depuis 2001, qui s’appelle Moshka et qu'on vous streame aujourd'hui en entier.
Tout produit et composé par Ohara, c'est effectivement plus qu'un album de crooner électronique: plutôt une vraie soupe de scientifique, mélange hyper habile de sources électroniques, acoustique, électroacoustiques, animales et mécaniques dont est bien heureux de ne pas pouvoir situer la nature. Le chant est enregistré et découpé, les rythmiques aussi/ On repassera pour le cliché du chanteur, certes excellent mais un peu manchot, faire-valoir du producteur de génie, machine à recracher du texte qu'il n'a pas écrit. En revanche, on ne repasse pas pour écouter l'album qui pourrait passer pour du r'n'b (c’est d’ailleurs la catégorie dans laquelle Itunes a rangé l’album) ou de la soul de bonne qualité, mais totalement mutant et germanique, plein d'échos de dub, de grincements et de bizarreries. C'est un disque qui a l’odeur de l’hiver et du brouillard, dont on sort un peu cotonneux des 10 réécoutes qu'on s'est imposés pour être sûr d’avoir tout entendu. Sortie cette semaine via Random Noize Music.
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