Royaume d’un seul homme, gouvernement de polichinelle, quartier autonome ou autarcie collective autosuffisante, le documentaire Empire Me, Der Staat Bin Ich! (Empire Me, je suis l’État!) de Paul Poet s’intéresse à quelques-unes des 500 micronations disséminées à travers le Globe. Si chacune est unique dans sa forme, toutes se démènent pour affirmer leur indépendance et leur légitimité. Car aucune n’est évidemment reconnue par les Nations-Unies. La plus célèbre du documentaire est sûrement Christiania, le quartier autogéré de Copenhague qui aujourd’hui tient plus de l’attraction à touristes en quête du bon plan weed. Mais Paul Poet s’attarde sur ce qu’on appelle des “cryptarques”, ces monarques fantoches sans réels pouvoirs effectifs, mais qui prennent leurs fonctions très au sérieux.
Parmi la brochette de doux dingues, il y a l’Australien Léonard Casley. Au début des années 70, cet exploitant agricole, harassé par les quotas de production imposés par le gouvernement, décide de faire sécession avec l’Australie. Il proclame alors l’indépendance de Hutt River, principauté composée des 75 hectares de son exploitation. Pour légitimer sa nation, Léonard Casley (devenu entre temps Prince Léonard Ier), opère un magnifique tour de passe-passe juridique. En 1977, il déclare la guerre à l’Australie. Cette dernière ne se formalise pas vraiment de cette bravade, d’autant que Léonard Ier annonce quelques jours après le cessez-le-feu sans qu’aucun tir ne soit échangé. Mais le Roi d’Hutt River invoque ensuite une vielle loi du Commonwealth stipulant que tout État sortant indemne d’une guerre acquiert automatiquement sa souveraineté. Depuis l’Australie est bien ennuyée pour mettre au pas l’insoumis mégalo.
Tout comme Léonard Casley, l’Anglais Roy Bates a fondé sa micronation, Sealand, sur une faille juridique. En 1966, ce vétéran de la Seconde Guerre Mondiale prend possession, en toute légalité, d’une ancienne plate-forme de l’armée britanique située dans les eaux internationales de la Mer du Nord. Malgré un coup d’État raté en 1978 de la part du premier ministre de Sealand et quelques démêlés avec la Grande Bretagne lorsque cette dernière a étendu ses eaux territoriales (incluant désormais Sealand), le Prince Roy a toujours conservé sa couronne. Aujourd’hui âgé de 90 ans, il s’est retiré en Espagne, avec la Princesse Joan, sa femme, et vend son royaume. Mise à prix : 750 millions d’euros.
En plus d’un gouvernement et d’une constitution, Hutt River et Sealand ont tout d’un véritable État : ils accordent des passeports (qui n’ont de validité que sur leur principauté), battent une monnaie (de singe) et impriment des timbres (rarement reconnus par les postes étrangères mais très prisés par les philatélistes).
Paul Poet plante aussi sa caméra dans ces micronations qui tiennent plus de l’expérience sociale innovante – ou de la secte new-age, tout dépend du point de vue. En Allemagne, près de Berlin, le ZGG (Zentrum für experimentelle Gesellschaftsgestaltung ou Centre de Recherche et d’Expérimentation Sociale) se veut comme un écovillage organisant l’été de grands rassemblements pour sensibiliser ses adeptes à la nature, la spiritualité, la créativité, la consience, l’amour, etc. Concernant les relations entre individus, la charte de ZGG énonce ceci :
“Dans la communauté, les gens qui s’aiment peuvent s’ouvrir aux mouvements intérieurs et extérieurs dont l’amour a besoin pour rester vivant. Quand la confiance est là, l’amour peut s’étendre et inclure davantage de personnes – ce qui s’applique aussi à l’amour érotique et sexuel.”
Ce qui promet aussi de belles partouzes.
Dans un registre plus habillé, Oberto Airaudi dit “Falco”, un ancien courtier en assurance, fonde en 1975 dans le Piémont la Fédération de Damanhur, une communauté branchée néo-paganisme, dieux égyptiens, forces telluriques, et vêtements en lin blanc. Damanhur s’est rendu célèbre en 1992 : les autorités italiennes découvrent un gigantesque temple souterrain (plusieurs centaines de m2 sur 4 niveaux) bâti par les Damanhurians dans le plus grand secret. Oberto Airaudi refait la une des canards locaux en 2009 car il est suspecté d’évasion fiscale d’un montant de 2 millions d’euros.
Pour l’instant, le documentaire de Paul Poet n’est visible que dans les salles allemandes et autrichiennes, depuis le 19 janvier. La sortie en France n’est pas encore prévue, mais on espère et on guette. Le trailer est à découvrir ci-dessous :
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