Imaginez. Imaginez un monde où personne n'aurait à retenir l'orthographe barbare de Johnny Hallyday, où aucun fan de Scott Walker n'aurait à s'abaisser à écrire des articles élogieux sur Raphaël, où Pascale Clarke ne déverserait pas chaque matin sa vision inane de la pop music sur les ondes nationales. Imaginez un monde sans M83. Un monde où personne n'aurait inventé le vocable "electro" pour faire rentrer les compact discs de Massive Attack chez la ménagère de moins de cinquante ans. A leur échelle raisonnable, les cinq garçons ambitieux juste ce qu'il faut de Blind Digital Citizen (disons que leurs caninens s'arrêtent au dessus du genou) entr'ouvrent la fenêtre sur un petit univers qui ressemble un peu à ça.

Découverts avec quelques instrumentaux électroniques "pas bien transcendant" (dixit notre collaborateur Camille Larbey), ils se sont récemment lancés dans le chant en français avec une réjouissante inconscience, c'est-à-dire sans se soucier une seconde des dangers de la conversion (les rotations lourdes sur France Inter, les comparaisons lourdingues avec les anciens, les accolades de Zazie ou Pascal Obispo) ni des vilaines contraintes de la variété. Si les tableaux orageux et largement synthétiques qu'ils peignent tous tambours dehors évoquent plus volontiers les invasions Vikings que les estampes japonaises de l'époque de Heian, ils restent suffisamment proches des musiques de jeunes pour filer des crises de tachychardie jusqu'à chez Christophe ou Manset, pourtant pas les derniers sur la rime noire et les formats explosés. 

Le clip réalisé par Chris Dias pour "War", power chanson de leur EP pour le Podium de Third Side paru au printemps nous trimballe ainsi dans un Espace stylisé et forcément métaphorique puisqu'il met en scène rien de moins que la renaissance du petit collectif electronica en machine de guerre pour les festivals (et plus si affinités). On espère que les anglosaxons prêtent l'oreille.