En 1989 sort OFR (pour Out-Fucking-Rageous), le premier album de Nitro. L'ambition affichée : tout faire plus vite et plus extravagant que tout le monde et tant pis si c'est aussi subtil qu'une vanne de Titoff. Tout est dans le titre putassier qui ne présage rien de bon. Après le caractère clinquant, limite grotesque de Van Halen et le maquillage outrancier de King Diamond, Nitro n'était toujours pas rassasié. A l'heure où le heavy vit ses derniers instants et où le black metal s'est déjà installé en Norvège, le groupe décide de foncer dans un mur et pousse le glam dans ses derniers retranchements, là où laque à cheveu côtoie papier peint en dégradé de mauve. Avec un concept pareil, impossible d'intéresser qui que ce soit. Même le nom des musiciens qui le compose est à chier : T.J Racer, Bobby Rock, Michael Angelo Batio et Jim Gillette. Jim. Gillette. Un nom de catcheur pour un chanteur avec une gamme tellement aiguë qu'elle est capable de casser littéralement des verres à vin.

Durant leur carrière, ils seront toujours complètement à côté de la plaque ; trop hard

pour les glameux et trop homo-érotiques pour les thrashers. C'est aussi par la surenchère technique, aussi bien au niveau des solos de guitares que des vocalises, qu'ils ne seront jamais vraiment pris au sérieux. Ils essayent constamment d'élever la barre de 10 crans au dessus de là où Van Halen l'avait laissée, sans se soucier du goût douteux de leurs morceaux. Ce qui est paradoxal c'est le caractère opportuniste de Nitro, qui, d'un morceau à l'autre du même album, n'hésite pas à troquer ses costumes de drag queen heavy metal (péruques comprises) contre une tenue typiquement glam le temps d'une ballade mielleuse à la Guns'n Roses. En pleine crise d'identité, ils finissent par devenir des pastiches de chaque style auquel ils s'associent et chacun de leurs clips ne peut que provoquer l'hilarité générale. Le too much est leur credo.

Dans le bordel sans nom qu'est OFR, les capacités vocales de Jim Gillette prennent

leur envol sur le titre "Machine Gunn Eddie", qui débute avec un cri qui dure

suffisement longtemps pour aller faire une petite pause aux toilettes et revenir. Ou y

rester. Même si sa façon de chanter est totalement cheesy, on admettra que les

prouesses vocales gonflées à l'hélium sont impressionnantes. S'il ne chantait pas

comme s'il animait une masterclass, ses cris hyper précieux auraient pu être

intéressants voir carrément hypnotiques. "Machine Gunn Eddie", avec ses changements de tempo nerveux et une intro à capella à la Def Leppard, aura quand même été dans la B.O de Brutal Legend, un jeu vidéo sorti en 2009 sous la tutelle de Jack Black.

De son côté, Michael Angelo Batio est considéré comme l'un des meilleurs guitaristes

de son époque et ça, on ne peut pas le nier. Avec un jeu aussi rapide que précis et

autant de tricks que d'eyeliner, il avait même été sacralisé 'No 1 Shredder of All Time'

en 2003 par le magazine Guitar One. Toujours dans l'excès, il est l'inventeur de la

double-guitare, un instrument qui se joue aussi bien de la main gauche que la main

droite. Et là, dans le clip du tube "Freight Train", Batio dégaine tranquillement une

quadruple guitare, paraissant englouti par une espèce d'animal à quatre pattes. C'est

vraiment pas beau à voir.


Ca confirme surtout que la technique et la maîtrise de son instrument n'est pas

forcément gage de qualité. On à affaire à une musique démonstrative, masturbatoire

et donc vide de toute émotion sincère. Ca restera tout de même un des albums de

metal les plus drôles de tous les temps.


La technique impeccable de Michael Angelo Batio s'apprécie dans cette vidéo

démonstrative où le guitariste va tellement vite, avec une dextérité sans précédent,

qu'on croirait que les images ont été accélérées. Il fais du tapping complexe en

alternant ses doigts au dessus et en dessous du manche, des sweep pickings à l'envers

et peut jouer sur deux voir quatre guitares en même temps selon son humeur. Ses

tricks sont même parodiés gentiment par Tenacious D dans leur film éponyme. Mi-

homme mi-cyborg, on regretterais presque que Batio n'utilise pas son talent à

meilleur escient. Presque.

Avec un premier album aussi médiocre, comment Nitro ont-ils bien pu avoir

l'occasion d'en enregistrer un second ? Toujours est-il que Hot, wet, drippin with

sweat (...) , l'ultime effort du groupe, voit le jour en 1992. Même artwork collé sur un

fond vert vomi du plus bel effet, même recette qui mélange solos gênants, envolées

lyriques douteuses et paroles peu inspirées. Ils en profitent pour en rajouter une

couche avec des balades indigestes qui surfent péniblement sur le succès des frères

Rose. La voix de Gillette est encore plus sur-produite que sur l'opus précédent,

masquée par 56 effets et 67 overdubs, histoire de cacher la misère.


On retrouve aussi une reprise de "Cat Scratch Fever" de Ted Nugent, ambassadeur

officiel du mauvais goût depuis qu'il s'affiche fièrement avec des monceaux

d'animaux morts tués à l'arc. Mention spéciale pour la chanson de Nöel "Johnny died

on Christmas". A l'arrivée, on se retrouve avec un album fourre tout aussi vide que

complètement décousu, une ultime tentative pour Nitro de rattraper le peloton de tête.

Le mauvais goût si apparent du groupe peut soulever la question suivante : 'Est-ce

que ces mecs nous font une farce ?'. Peut-être qu'ils sont l'équivalent glam de Spinal

Tap. Peut-être qu'ils se moquaient du caractère excessif et de l'image triviale attribuée

au genre en se faisant plus excessif et plus ridicules que tous les autres. Sérieusement,

si vous analysez les photos de groupe de Nitro, les cheveux sont bien trop

volumineux et les vestes bien trop cloutées pour qu'il n'y ait aucun semblant d'ironie

là-dedans. Même la pochette arbore un logo bien trop clinquant pour être vrai. Se

serait-on fait duper ?


Il semblerait que non puisque pas plus tard qu'en septembre dernier, on retrouve

Batio et Gillette (désormais gros et chauve) accompagnés d'un fringuant nouveau

membre, Chris Adler, le batteur de Lamb of God, dans une vidéo intitulée "Nitro is

Back" où ils osent nous solliciter pour financer leur nouvel album soitdisant "en

construction". Le plus désolant n'est pas la cybermendicité – tout le monde agite sa

cagnotte Leetchi pour un oui ou pour un non – mais le fait qu'ils se cachent derrière

des méchants producteurs qui les auraient contraint à faire des albums merdiques.

Une justification un peu maigre pour tous les crimes sonores qu'ils ont commis, que

ce soit en groupe ou en solo.

Une chose est sûre, les gens qui affirment que tous les goûts sont dans la nature n'ont

sans doute jamais entendu parler de Nitro.