Commençons par poser ce qui l'excluera sans doute des listes de lecture de beaucoup de nos lecteurs : Xxxtentacion, qui s'est notamment fait remarquer avec ses clips-vidéos de baston, est actuellement derrière les barreaux d'une prison floridienne, accusé d'avoir passé sa petite amie à tabac. Ce qui n'empêche pas le jeune homme né en 1998 de voir sa côte grimper vertigineusement : de millions de hits Soundcloud en dizaines de millions de clics Youtube, de dédicaces par Asap Rocky et Danny Brown à Drake qui s'est très largement inspiré de son morceau "Look At Me" pour un des siens  - l'équivalent d'un gros tampon de validation pour un rappeur des années 10.  

Son incarcération ne vous étonnera sans doute pas beaucoup si vous êtes déjà tombé sur ses uppercuts lo-fi "#ImSippinTeaInYourHood" ou "Look At Me" au hasard d'une playlist Youtube. Trap métalleuse, sample de Mala malmené et vocaux enregistrés à l'iPhone, le rappeur qui pose sur ces deux morceaux semble plus proche du profil ado bipolaire assoiffé de sang que de celui du hustler classique. Mais prendre le temps de s'immerger plus loin dans la production du garçon c'est se rendre compte que sa palette dépasse de très loin l'hyper violence et les coups de sang hyper compressés.

Passez quelques heures à scroller la page Soundcloud du tout jeune rappeur floridien - 39 morceaux, 576 000 abonnés, 0 abonnements, des stats de nageuse est-allemande de la grande époque - vous passerez sans transition de morceaux r'n'b assez proches du The Weeknd de 2010 à des ballades indie-rap voire alt-metal en passant par du boom-bap, de la trap horrorcore ou une hotline pour ados en détresse ambiance relecture de Thug Motivation 101 par les Kids de Larry Clark. 

Et c'est sans doute comme ça que le rappeur a su fédérer une fan-base entiérement acquise à sa cause. Contrepoint exact d'un autre MC du Sud de la Floride, chez lui tout est vrai, parfois jusqu'au malaise. De la taille de sa bite à ses nombreux déboires conjugaux, de sa relation avec sa mère à ses goûts en matière de drogues, le rappeur expose crûment et totalement son existence de gosse de la DDASS laissé en roue libre des rues de Plantation. En bon enfant de l'Internet, Jahseh D. Onfroy ne met aucune barrière entre image publique et vie privé, entre une conversation avec un pote et une session Periscope avec 10 000 fans. 



Son autre caractéristique, évoquée plus haut, c'est d'utiliser le hip-hop comme un plateforme neutre sur laquelle peut se téléscoper n'importe quel genre, très loin des chapelles et des écoles qui ont pignon sur rue à New-York, Atlanta ou ailleurs. Très loin aussi des albums archi-marketés des grosses têtes du rap US et canadien sur lesquels chaque titre renvoie à une niche à satisfaire, du featuring street à la ballade calibrée radio.

L'impression qui s'impose à l'écoute de ces titres est celle d'une plongée impudique dans la psyché d'un gamin instable, indéniablement doué mais égotique et bipolaire, capable de coups de génie comme d'accès de violence, de longues plages d'introspection comme de déclaration de guerre à tout et tout le monde. 

Onfroy est actuellement en attente de jugement. Il risque l'incarcération à vie, loin des regards qu'il semble avidement rechercher.