À force de toujours regarder droit devant en frôlant l’excès de vitesse, on passe parfois trop vite à côté des belles choses. On est par exemple passés un peu vite sur le cas de l’excellent disque de Die Verboten paru sur le nouveau label des frères Dewaele (Soulwax/ 2 Many DJ's) après l’écoute en décembre dernier d’un premier extrait sur Soundcloud. Mais grâce à Martial, le barbu de la fabuleuse boutique bordelaise Total Heaven, qui roule pépère, profite du paysage et qui, lui, regarde dans le rétroviseur, on redécouvre tout ce qu'on avait manqué ces derniers mois.
En dehors de la (cool) musique et des beaux objets, ce nouveau label intitulé DEEWEE questionne la façon actuelle de consommer la musique. La jeune structure des 2 Many DJ's cristallise assez justement les écueils d’un business artistique qui cherche une (sinon la) nouvelle façon de faire. Quitte à marcher sur un fil avec en guise de barre d’équilibre les paradoxes de notre temps de la communication de polichinelle, des « moyens » de l’indépendance et du control freaking total. Mystère « et » promo schizophrène (les frères Dewaele viennent de sortir la B.O. du film Belgica sur leur label, tout en sortant en douce des édits disco sur leur encore-plus-underground maison de disques Waffles), mystère « et » contrôle (un site avec seulement des liens « utiles » Soundcloud et Youtube qui renvoient facilement sur iTunes et Beatport), et surtout très peu de mots, voire aucun.
Die Verboten - E40 - DEEWEE003
13:36
Pied de nez aux lacunes critiques contemporaines, ou réinvention d’une ère où l’histoire de la musique électronique dansante s’écrivait uniquement dans les discussions de gens-qui-savent autours des bacs à EP chez les disquaires pointus ? DEEWEE impose l’écoute, pour peu qu’on tombe dessus, et impose une marque de fabrique esthétique autant visuelle que musicale : pas de doute, on a là affaire à un "vrai" label, et on imagine que la ligne « passion » de leur business plan n’est pas feinte.
Disons que les frères Dewaele ont enlevé leurs gros sabots (ceci dit en toute bienveillance) et se dévoilent ici en gardien du temple nu-disco-house en sortant des beaux vinyles ne demandant qu’à être joués sur le meilleur des soundsystem, leur
Despacio par exemple. Tout ceci est très enthousiasmant, il n’y a même aucun cynisme à aller y chercher. Et comme ça a toujours été le cas avec la musique de club, on laissera le temps faire son oeuvre avant de s’emballer complètement. Pour le moment, de
Klanken à
Asa Moto, d’
Emmanuelle à Laila ou
Phillipi & Rodrigo, on trinque les premières
Vedett d’un début de soirée en club, la danse n’est pas encore moite, le tempo laisse du répit au rythme cardiaque et les synthés chatouillent pas mal de limites de goûts et de réelles trouvailles, se rapprochant du coup un peu plus des dernières sorties Optimo que celles de DFA (à qui ont aurait pourtant aimé, avec paresse, les comparer).
Klanken - Drie - DEEWEE002
04:29
Ainsi, lorsque les bordelais de Total Heaven ont rentré en magasin tous les disques de
DEEWEE, on a pour ainsi dire fait une sorte de dérapage américain sur l’autoroute (de l’info) et écouté (puis acheté) tous les disques d’un label dont on s’était paresseusement satisfait d’une simple mention. Car voilà : en plus d’avoir réactivé un groupe improvisé de 2007 (Die Verboten donc), les deux frangins de Soulwax / 2 Many DJ’s en profitaient pour monter presque en cachette ce nouveau label rien qu'à eux. Et que fait un journaliste qui se rend compte qu’il a un énorme train de retard d’au moins 5 mois ? Il va chercher des infos sur le net, chez les concurrents. Sauf que là, rien. À part lire que les frangins sortent des disques sur leur label, rien. Du coup, il fallait leur poser des questions et c’est Paul, le label manager qui a immédiatement (et gentiment) répondu à notre sollicitation. On se rendrait compte plus tard qu’on n’en saurait pas beaucoup plus après coup. Let’s go.
Il n’y a quasiment rien sur DEEWEE sur le net, excepté quelques chroniques de Die Verboten : est-ce une volonté de rester caché (disons, derrière les disques) ? Tu as bien sûr le droit de trouver cette question bizarre vu que tu as immédiatement répondu à ma demande d’interview. Il n’y a aucun désir de notre part de vouloir nous cacher mais (pardon pour le cliché), en ce moment nous laissons la musique parler pour elle-même.
Est-ce que je peux te demander quelques infos sur les premiers artistes du label ? Je pense à Klanken, Emmanuelle, Phillipi & Rodrigo et Asa Moto. Asa Moto sont des guerriers belges, Emmanuelle une princesse m-italienne, mi-brésilienne et Philippi & Rodrigo des emmerdes en barre.
J’écoute les disques DEEWEE avec plaisir à la maison, tout en imaginant que je danserais probablement avec passion sur ces morceaux en club : lancer un label de vinyle aujourd’hui, qu’est-ce que ça représente pour vous ? Je sais que la question est embarrassante, en partie parce que la réponse ne semble pas avoir encore été trouvée, et donc chaque point de vue est intéressant à entendre… Les frères Dewaele sont connus aussi pour leur passion de la musique en général, je crois que j’aimerais en savoir plus sur le concept (ou plus simplement les termes de leur ambition) de ce label. Tenir un label de vinyles est un travail de passionné, nous on adore les disques (pour qui ce n'est pas le cas ?). On adore le format - le son du vinyle et les pochettes.
Ok, question stupide maintenant : DEEWEE est un « vrai » label ou juste un truc supercool fait par deux super mecs qui n’ont plus rien à prouver ? Doit-on s’attendre à un futur de DEEWEE déjà écrit ?
Il n'y a pas de mystère derrière DEEWEE. DEEWEE est simplement DEEWEE.
Comme un retour à une totale indépendance ?DEEWEE est (parmi tant de choses) un label purement indépendant.
Une dernière : vous avez déjà des prochaines sorties de prévues ? Oui. Une par mois. Pour toujours.