En avril 2015 sortait, chez Becoq, label français défricheur dont on aura sans doute à reparler, le premier album d’un nouveau venu, Milesdavisquintet, troisième formation à porter ce nom, mais également la toute première à ne pas voir figurer en son centre la trompette du natif de Saint Louis. On n’est pas en avance ; Shapin’with, le disque en question, a déjà reçu, dans la presse européenne et française, son quota d’encensements. Pourquoi en parler maintenant, alors ?

Parce que le 1er juillet, en se rendant au Triton (carrefour bien connu des musiques improvisées de la capitale), on découvrait la musique du trio, et on se disait qu'on n'avait pas souvent vu mieux en live. Emmené par le batteur Sylvain Darrifourcq, ce trio au nom de quintet (complété par Valentin Ceccaldi, violoncelle, et Xavier Camarasa, piano préparé), insufflait ce soir-là, pour vingt personnes, du mouvement à sa mécanique plurielle, libre et ultra précise, murie longuement et assez indéfinissable.

Essayons néanmoins. En concert ou sur disque, le trio produit une sorte de glitch électro-acoustique, à mi-chemin entre l’esthétique Raster Noton, le piano préparé et les percussions de Cage ou Varèse ; certains travaux du G.I.NC multi samplé d’Ennio Morricone viennent encore à l’esprit. On pourrait étendre la liste sans approcher beaucoup plus de cette musique, qui, en somme, n’appartient qu’à elle-même.

C’est l’osmose qui fait tout. Penchés sur les instruments avec la volonté visible de s’y greffer sans retour, les musiciens s’immergent dans une approche physique du clic’n’cut ; le violoncelle, au centre, fait office de fil conducteur reliant les deux machines percussives. La tonalité, même étendue, n’est ici pas le propos. Des myriades de sons forment une mosaïque fugace de timbres libres et collectifs. Les couleurs et les formes éclatent dans la répétition des séquences, les petits moments de grâce crépitent à intervalles rapprochés sur toute la surface de la scène. Enveloppé, en live, par des projections géométriques neigeuses à la Rioji Ikeda/ Alva Noto (Jean Pascal Retel), le groupe superpose les cycles sans faiblir, propulsé par le jeu fluide, volontaire et diffracté de son batteur.

La machinerie sonore de ce Milesdavisquintet là, fleuron du label Becoq, est à voir absolument. En attendant, on peut écouter leur album Shapin' With ci-dessous. D’autres dates viendront, on vous en reparle à la fin de l’été.

Watchin' with MilesDavisquintet, association du trio avec le vidéaste Jean-Pascal Retel, à découvrir en concert le 10/09, Scène nationale d’Orléans, Orléans, puis le 09/12, Pannonica, Nantes