On voudrait vous dire deux mots de cet Orchestre du désert Blanc, dix musicien-ne-s qui se réunissent ponctuellement autour de la pianiste Eve Risser. Au gré des plannings de chacun, l’orchestre affute son propos, de concerts en résidences, depuis 2015. L’aboutissement de tout ce travail, Les deux versants se regardent, est un disque paru courant novembre, sur le label lisboète Clean Feed Records. Nous, on les a découvert il y a deux semaines, à l'occasion de la release party un poil tardive de l’album à Paris, au Studio de l'Ermitage.
Le défi lancé par le désert est assez fantastique ; comment se faire une place, trouver du sens dans un lieu redoutablement mutique, ni bienveillant ni hostile, seulement étranger à l'homme, où tout se compte en millions d'années ? Entre les deux versants du titre, il y a un abîme qui ne peut pas être comblé, beaucoup de ciel, de lumière et de silence qui dessinent et font vibrer seulement la possibilité du son pur, dénué de sens.
Allez faire de la musique avec ça.
Outre les parois abruptes et rongées par le vent du Bryce Canyon, nos deux versants sont, peut-être, les deux sous-ensembles qui donnent corps aux visions lancées par la pianiste ; le trio rythmique (basse, batterie, guitare électrique) soutient, propulse, affronte, relance les cuivres et bois (trombone, trompette, saxophone et saxophone, flûte, basson) qui mêlent leurs timbres et virevoltent par dessus. Le résultat est foisonnant, explosif parfois - ça peut jouer très fort -, mais toujours soigneusement mesuré ; les musiciens s'appliquent à retirer des notes plus qu'à en rajouter.
Les strates et les nuances du son évoquent parfois sans chercher à les imiter les chocs de timbres taillés par les maîtres du XXème siècle ; Duke Ellington et Billy Strayhorn, Lalo Schiffrin, Carla Bley, Gil Evans affleurent comme des images à moitié enfouies, transformées par des allez-retours permanents entre mélodie et matériau... On n'a pas envie de danser le fox trot, mais la beauté des textures et le jeu organique de l'ensemble compensent largement.
Il reste au WDO quelques dates jusqu'à la fin de l'année, au delà rien ne semble prévu. N'hésitez pas et déplacez-vous, s'il joue près de chez vous. Sinon, reste toujours le disque pour profiter un peu d'une entreprise assez folle de photographie musicale de la nature (sic) qui a su mettre dix virtuoses de premier plan au service d'une même utopie. Et c'est rare.
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