La deuxième édition de Magnétique Nord commence dès ce soir, après une première fournée l'année dernière qui avait pas mal remué les entrailles souterraines de la capitale. Initié par le collectif Mu, le festival accueille cette année notamment Ian Svenonius, Empereur, Wild Classical Music Ensemble, une soirée dédiée au label Le Turc Mécanique, une grosse fête de clôture techno-noise, mais aussi des expositions photos et la projection de documentaires, dans la lignée des propositions du collectif (personnifiées en cela par la salle du Garage Mu), qui marient habituellement musique expérimentale, techno, garage, rock'n'roll, arts visuels, expositions et arts sonores.
Établir un pont entre le punk US historique et une niche parisienne contemporaine, trouver des passerelles et des chemins de traverse entre cinéma, musique et arts visuels, interroger ce que peut bien encore signifier l'underground aujourd'hui : tels sont les objectifs de Magnétique Nord versant 2015. Peu avant le début des festivités qui débutent dès ce soir chez Agnès B., on a bu un café avec Eric Stil, programmateur musique du Collectif Mu : "On prend nos quartiers dans différents lieux du Nord de Paris, pour filer un peu la métaphore : l'Olympic Café, le Garage Mu. L'année dernière on avait investi le 6B, mais cette année on va rester intra muros pour la soirée de clôture, donc on a eu la salle Confluences dans le 20e pour le samedi 19, ce sera un peu la grosse fête avant les vacances de Noël, et ça va durer toute la nuit."
The Making of the Book: Hard Art DC 1979
03:05
Cette année, le festival se plonge dans la scène punk hardcore de la fin des années 80 de Washington DC, berceau des
Bad Brains, de
Nation of Ulysses ou encore de
Fugazi. À cette occasion, il invite Ian Svenonius (dont vous pouvez revoir notre interview
ici), membre de
Nation of Ulysses dans les années 80 et des sublimes
The Make-Up, formation gospel/punk qui aura brillé par son atemporalité et son activisme politique dans les années 90. Une exposition photo de Lucian Perkins, intitulée "Hard Art DC 1979", commence d'ailleurs ce soir chez Agnès B, à rue Dieu, et témoigne de la scène foisonnante, explosive et communautaire de l'époque, à travers la naissance du mouvement punk de Washington. Mais le festival présente aussi des labels, et cette année il a jeté son dévolu sur le jeune
Turc Mécanique, auquel il offre une carte blanche le samedi 12 à l'Olympic Café.
Eric Stil :
"Pour nous, ce n'est pas tiré par les cheveux d'établir un parallèle avec cette scène historique et ce qu'on fait aujourd'hui avec le collectif Mu, même si l'époque a complètement changé. On retrouve encore aujourd'hui cet esprit des premiers punks d'organiser des concerts soi-même et cette volonté de se prendre en charge. Entre le label Dischord et le Turc Mécanique, je pense qu'on peut établir une sorte de fil rouge, même s'il n'est pas évident de prime abord. Déjà, il y a une discussion sur l'underground, même si le mot est aussi galvaudé que le terme punk aujourd'hui, qui sert plus de prétexte à vendre des bagnoles ou des T-Shirts qu'autre chose. Mais il y a toujours cette envie commune de partager des œuvres, des groupes et des artistes sous le radar, à un public qui se renseigne lui-même. Pourquoi des mecs qui ont un boulot, que ce soit en 1979 ou en 2015, choisissent-ils de passer leur temps libre à détecter des groupes, les faire venir, les faire jouer, et perdre de l'argent dans tout ça? Il faut être passionné. C'est cette culture-là de l'underground qui me fascine, cette volonté de vouloir à tout prix diffuser une musique qui n'est de toute façon pas là pour faire consensus."
I AM A GENIUS (AND THERE'S NOTHING I CAN DO ABOUT IT)_FILM CLIP
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Ce mélange de partage et de confrontation se retrouve ainsi dans la programmation de Magnétique Nord, qui rassemble différents supports, textures, genres musicaux et propositions artistiques. Ainsi, outre les expositions photos et les concerts, le festival projette cette année plusieurs documentaires, dont un sur
R Stevie Moore et un autre sur
Lee Ranaldo. L'idée est donc de croiser les publics, selon Eric Stil :
"On veut amener les gens qui vont aux concerts à voir des films et vice versa, ça passe forcément par des correspondances. On a envie avec Magnétique Nord de passer par quelque chose de polyvalent, moi ça fait 10 ans que je suis chez Mu, ce que j'ai toujours voulu faire, c'est le décloisonnement entre les pratiques (cinéma, musique, arts visuels), mais aussi entre les genres musicaux. Là tu as des trucs aussi différents que Tomas More, Cannery Terror, Jac Berrocal, Wild Classical Music Ensemble, Empereur, etc...Ce sont tous des artistes qui évoluent dans des genres différents, mais qui ne restent pas cantonnés dans leur chapelle. L'intérêt est justement d'amener un public pour toutes ces différentes propositions."A l'image de cette multiplicité de propositions : la dernière soirée à Confluences le samedi 19, qui commencera par la projection de "In Doubt, Shadow Him!", documentaire sur Lee Ranaldo, et qui enchainera par une nuit avec les installations du collectif SIN, la techno de
Teknomom, de December et des Editions Gravats, mais aussi une intervention de Martin Bakero, poète, performeur, compositeur et psychothérapeute.
La deuxième édition de Magnétique Nord commence aujourd'hui et se terminera le 24 décembre, avec la fin de l'exposition "Hard Art DC 1979". Toutes les infos sont disponibles
ici.