Quand Chris Isaak sort "Wicked Game" en 1989, l'engouement autour de son slow et du clip devenu iconique d'un certain érotisme soft 90's n'est pas immédiat. C'est sa présence sur la BO de Wild At Heart (Sailor & Lula en français) qui l'envoie en orbite. 25 ans plus tard tout le monde a tenté sa chance en le reprenant, de Mac de Marco au chanteur de Slipknot (on va se passer d'hyperliens si vous le voulez bien), ces putains de London Grammar et toute une clique de musiciens morts à l'intérieur. Et encore on vous passe ceux qui ont pillé tranquillement l'héritage de Chester Desmond : Lana Del Rey et The XX en tête.
Si Chris Isaak trouve parfaitement sa place dans l'univers de Lynch c'est probablement parce qu'il agrège un demi siècle de culture américaine et qu'il exhale tout un folklore cher au créateur de Twin Peaks : gomina, t-shirt blanc, station service et dinner crade et qu'en fouillant bien il y a un côté terriblement déprimant dans ces deux corps qui se touchent, ces airs de chiens battus et dans les pleurnicheuses relations hétéros plus ou moins glorifiées dans ce morceau: "No, I don't want to fall in love (this girl is only gonna break your heart)".
C'est sûrement ce qui a dû inspirer l'artiste visuelle suisse Pipilotti Rist avec l'oeuvre "I'm A Victim Of This Song ". Si la reprise du morceau, chantée par l'artiste commence sur un mode classique, froufrouteux, on sent rapidement que quelque chose ne va pas, impression renforcée par ces images floutées, salies qui apparaissent comme la face déprimante du folklore made in Isaak. Le morceau avançant, la voix commence à se casser, se déchirer jusqu'au cri. Pathétique hurlement de douleur, émi par une femme (s'opposant aux choeurs de la voix masculine qui essaieraient presque de la calmer), c'est un détournement totalement punk d'un classique de la pop en même temps qu'une destruction d'un présupposé phallocrate. Une façon de dire: "non j'ai pas envie de me taire'.
Et surtout c'est très drôle.