On a sans doute un peu trop ramené la chose spiritual jazz sous le patronage plus ou moins avoué, plus ou moins revendiqué, de l’inévitable figure du genre qu’aura été John Coltrane. Certes, le saxophoniste aura sorti le classique éternel A Love Supreme en 1964, qui aura, par son seul éclat, porté le flambeau plus que tout autre.
Ce jazz tumultueux, chaotique et rougeoyant, faisant suite aux grands bouleversements des débuts du free jazz, s’emparait quant à lui non plus seulement de la question des droits civiques, de l'identité noire, de bruit et de fureur (le fameux fire jazz cher à l'élève zélé Albert Ayler), mais également (je vous le donne en mille), de questions de spiritualité. Certes, c'est aller un peu vite en besogne de dire que le free jazz ne s'emparait déjà pas de ces questions-là. Mais son versant ouvertement spiritual s'en saisissait totalement, visant une transcendance et un état de communion presque christiques.
Coltrane s’empara dès le début des années 60 de ces questions là et continua le dialogue jusqu'à sa mort en 1967 en voulant s'adresser directement à Dieu depuis ses albums, tout en ayant pris le soin de virer quasi-mystique entre temps (on imagine que le LSD n'a pas beaucoup aidé).
Mais il y eut bien évidemment d’autres fiers représentants, aujourd’hui plus ou moins oubliés, plus ou moins relégués dans les rangs peu enviables de curiosités de connaisseurs. La geekerie des artistes pour artistes, comme on trouve des comiques pour comiques, en somme.
Le flutiste, peintre, enseignant et poète Lloyd Mc Neill est de ceux-là. Ayant fait ses armes avec Eric Dolphy en sortant d'études (alors que ce dernier sortait à peine de table), il passa ensuite par les Beaux-Arts de Paris, puis retourna aux Etats-Unis afin d'enseigner, notamment au New Thing Art and Architecture Centre de Washington. Entre 1969 et 1973, il sortit trois albums de jazz habité, au milieu desquels surnage incontestablement Washington Suite.
Faux disque de chambre baroque invitant des hautbois et de la flute traversière à la fête, Washington Suite était à l'origine une commande du Capital Ballet Company de la ville. Son caractère hypnotique est dû en grande partie à ses volutes flutistes et au piano électrique d'Eugene Rush, qui nous laissent nous balader à loisir dans le disque comme dans un jardin cosmique et accueillant. Déjà édité par Sound of the Universe, le sous-label de Soul Jazz Records en 2011, il retrouve une nouvelle vie aujourd'hui grâce au label londonien qui le ressort sur sa branche principale en vinyle aujourd'hui. Gageons qu'il pourra bénéficier de plus de place dans le cœur des mélomanes aguerris qu'il n'a pu en obtenir jusqu'ici.
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