Que vous y soyez allés ou pas, Santa Monica est un nom qui fait fantasmer. Celui d'un lieu où le dieu soleil règne en maître incontesté sur les cieux, où les habitants bronzés se baignent en riant dans l'océan et où personne ne vous dévisagera si vous vous enfilez un énorme hamburger/frites sur la plage immense. Le souffle chaud du foehn fouette votre visage, les rayons du soleil chatouillent votre peau...
Soudain, non loin, des synthétiseurs entêtants et un tempo frénétique couvrent le cri des mouettes. Là, pieds nus sur la plage, la silhouette dégingandée d'un grand échalas se déhanche au rythme des congas et des steel-drums.
Le pas léger, il s'approche et vous explique (tout en continuant à danser) qu'il s'est donné pour mission de perpétuer la flamme de la "bubu music", un style musical de tradition séculaire originaire de son pays d'origine, le Sierra Leone. Elevant la voix par-dessus les flûtes synthétiques et les riffs de guitare cristallins, il vous dit qu'e son nom est Janka Nabay et qu'il a dû fuir son pays à cause de la guerre civile, après avoir connu le désespoir des geôles locales et la peur des enfants- soldats.
Il raconte qu'il a échoué dans un restaurant de poulet frit à Philadelphie en 2003 avant qu'un animateur de radio tombé amoureux de ce rythme inédit le convainque de remonter un groupe à Brooklyn, le Bubu Gang. De là, grâce à tout ce petit monde, Janka Nabay a pu enregistrer et se produire à nouveau : "le bubu est une musique collective !", exulte-t- il. Il tape des mains au rythme de ce son qui vous hypnotise peu à peu, et vous dit que Build Music, son deuxième album, sortira le 24 mars prochain chez Luaka Bop (William Onyeabor, Os Mutantes, Floating Point...) le label de ce bon vieux David Byrne. Son premier album, En Yah Say, est sorti en 2012.
Il exerce quelques pas chaloupés, tourne plusieurs fois autour de lui-même, et sans même s'essoufler malgré le tempo frénétique de sa boîte à rythmes, replonge en trépignant dans sa douce transe, dictée par ce mélange d'afrobeat, de musique électronique dépouillée et d'énergie pure. Une musique si ancienne et si futuriste à la fois.
"Santa Monica" n'évoquera plus jamais exactement la même chose pour vous.
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