Sister Iodine réussit un premier tour de force sur son nouveau long format Venom : celui d'inviter l'auditeur à s'embarquer dans un périple sonore narratif construit sur un chaos sonore a-mélodique, a-temporel et dont l'espace est en destruction totale. Comprendre: c'est de ce magma sonore (guitares, voix, percussions, machines en fusion) que se dessine une déambulation, semblable à celle effectuée par le venin s'écoulant dans les veines après une morsure (j'imagine que l'image du titre vient de là).

Il serait bien dommageable de réduire ici le trio à sa seule qualité de précurseurs de la noise libre mondiale ou pire à son statut de vétérans, tant l'histoire n'a que peu d'intérêt dans l'objet sonore qui nous intéresse ici. Pendant que leurs anciens compagnons de jeux Sonic Youth se prisent de l'héritage folk americana, voire pire d'une certaine historiographie du black metal, trahissant un respect presque scolaire des chapelles stylistiques, le trio parisien continue d'avancer et de déblayer de nouveaux chemins dans la noirceur et la violence. 

La venue de Stephen Bessac, le frontman de Kickback est à cet égard une idée aussi surprenante que logique tant les deux formations partagent cette capacité à se nourrir de peu pour régurgiter beaucoup. Ses interventions hissent les morceaux dans une transe presque animale, qui nous fait penser que la vraie traversée du miroir promise par les petits enfants du psychédélisme réside probablement davantage dans les lancinantes pièces de Venom que chez n'importe quel tâcheron en total look Woodstock.

Au rayon des moments forts de ce voyage compact, on citera notamment "Nous sommes surannés (vivons de nos idéaux passés)" qui brille par son minimalisme sonore et "Glock" courte pastille techno barbelée qui invite la jeune concurrence indus à réviser son Pansonic avant de jouer les blousons noirs de pacotille.

Venom de SISTER IODINE est sorti chez Nashazphone.

Le groupe fait sa release party les 2 et 3 mars aux Instants Chavirés.

Photo groupe: Zofie Taueber