Sur cette merveille tirée de Commissions I, mini-compilation d'oeuvres de commande à sortir sur Warp pour le Record Store Day 2014, Daniel Lopatin fait rigoureusement ce qu'on rêve qu'il fasse depuis qu'il a sorti R Plus Seven: ouvrir le robinet à fond les ballons.
Version longue d'une relecture commandée par le festival polonais Sacrum Profanum des Préludes et fugue pour cordes du monstre sacré Witold Lutosławski, Music for Steamed Rocks est, sinon un gros pot de crème synthétique, une vraie, grosse tranche de syncrétisme de new-age à travers les âges qui tréfile et explicite enfin ces moments d'extase fugaces qui faisaient étinceler de partout la cathédrale de contradictions de son album de l'an passé.
A mi-chemin de l'electronica dernier cri et de l'avant-garde multimédia kitschouille de la première moitié des années 80 (ce moment bizarre où la vieille garde pop art bouffeuse de patchouli s'est mise au laser et au son et lumières), l'Américain fait surtout quelque chose d'incroyablement tenu et précis avec son matériau: jamais ces voix de synthèses échappées de ces rutilantes stations de travail archaïques dont Lopatin est sans doute le fétichiste le plus ardent de notre temps n'avaient semblé aussi naturellement à leur place que dans ces 8 minutes complexes et vaporeuses comme l'après-midi d'un faune.
A l'instar de Ryûichi Sakamoto au coeur des 80's, on découvre enfin un Daniel Lopatin qui s'accommode infiniment bien des commandes et de la musique utilitaire. Au vu de l'avalanche de références vidéo et cinématographiques obscures que ce bouffeur d'images rares compulsif balance dès qu'on lui tend un micro, on est pas super surpris. Avis donc aux nazebroques qui hantent les sous-sols d'Hollywood: plutôt que de continuer à commander le même papier-peint prokofieviens aux clones du tâcheron Hans Zimmer, filez donc un peu de boulot à Oneohtrix Point Never.
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