La machine électronique à musique est magique à plus d'un égard: elle permet bien entendu de générer des sons et des rythmes qu'aucun autre objet ici-bas n'est capable de produire peu importe la manière dont on le triture, elle habilite éventuellement le musicien à inventer autrement qu'avec son seul libre arbitre et sa seule imagination, elle facilite le cas échéant la mise en forme et la concrétisation d'idées un peu compliquées au compositeur handicapé par ses lacunes techniques et théoriques. Aussi, et c'est ce qui nous intéresse ici, elle permet parfois au musicien qui en sait trop, qui maîtrise trop son art et son instrument, de se réinventer.
Ainsi Nicolas Villebrun, guitariste très versatile au sein de Poni Hoax passé par trop de groupes depuis le début de sa carrière pour qu'on en fasse la liste ici, a trouvé dans la musique faite avec des machines ce qui ressemble fort à la part des ténèbres de son âme de musicien. Eduqué au Conservatoire National Supérieur de la Ville de Paris aux arcanes de l'arrangement et de la composition, il est tombé dans la techno en jouant avec Joakim ou le Chateau Flight de Gilb'r et I:Cube et en écoutant beaucoup Audion, Villalobos, Plastikman ou les maîtres de la sinusoïde Ryoji Ikeda et Pan Sonic.
Mais c'est en poussant les boutons au sein de Society of Silence qu'il a trouvé sa voix d'électronicien: une voix forte, rauque, rêche, éraillée, qui ne s'encombre que très rarement de notes et qui évoque tout le contraire de la danseuse club mondaine d'un rocker soudainement tenté par les lumières de la vie nocturne. Minimaliste et brutal comme un disque conceptuel, le premier album de son projet solo Tite ressemble à un grand désert de bruits radioactifs et bonus beats décharnés, produit au cordeau analogique (le terme "crunchy" semble avoir été inventé pour "The Bell Glides") et touillé dans le même creuset que celui où les sorciers du boucan pulsé Low Jack, Container et Helena Hauff préparent leurs potions méphistophéliques.
Serait-il possible alors que Snare Roll s'envisage comme un disque "dans l'air du temps"? Pas d'amalgame possible, il suffit de se plonger deux minutes dans "Entering Heaven" ou "Break Dance" pour comprendre que Snare Roll est de fait tout le contraire: la capture paradoxalement muette d'un cri primal, d'une pulsion remontée des profondeurs, l'éruption de litres de frustration accumulés au gré des années à jouer des choses trop cérébrales et trop sensées. En yoga tantrique, on appelle ça "l'extase".
On en fait des caisses (claires) mais c'est pour la bonne cause: Snare Roll sort le 19 juin sur l'excellent Fragil Musique.
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