En 2014, la mort de DJ Rashad semble avoir donné des vertiges et paralysé les artificiers du footwork à Chicago. Depuis cette période, on a vu le genre relégué au rang de petite chose confortable, ne voulant surtout pas s'écarter des sentiers battus de ses propres samples et pas de danse à l'arythmie désormais tristement codifiée - ce qui est paradoxal lorsqu'on voit que c'est un genre qui mise à l'origine avant tout sur la progression et l'exploration de formes et de territoires inconnus.
Si on a tout de même vu des francs-tireurs vouloir s'extirper de cette ornière un poil étouffante (DJ Earl, ou plus généralement la bande Teklife en tête), c'est à travers le premier album de Jlin, l'ébouriffant Dark Energy paru sur Planet Mu en 2015, que l'on a vraiment pu entrapercevoir, non pas seulement une éclaircie bienvenue, mais une profonde remise en question des codes du genre.
Choisissant de laisser purement et simplement tomber le sampling (qui constitue selon la jeune productrice 95% du son footwork), Jlin a ainsi pris la décision de ne travailler qu'à partir de son insatisfaction, considérant qu'on ne peut rien construire à partir du bonheur étant donné que c'est un état déjà acquis. Ces restrictions ont ouvert chez elle une méthode de travail extrêmement laborieuse (la complexité structurelle de ses morceaux lui prend parfois jusqu'à 8 mois pour les agencer), ce qui donne à l'arrivée une musique crânement combative, qui met constamment l'auditeur sur les rotules, à la richesse rythmique infinie, écrite directement "depuis le cœur de la bête", selon les propres dires de son auteure.
Lorsqu'on écoute le premier extrait de son nouvel album, on se dit que Jlin a parcouru bien du chemin depuis "Erotic Heat", son premier morceau paru en 2011 sur la compilation Bang & Works volume II et qui lui avait permis de tirer son épingle du jeu.
"Nyakinyua Rise", déjà paru sur son dernier maxi et qui figurera également sur l'album Black Origami à paraître le 19 mai sur Planet Mu, est un morceau dingue, tambouriné par des cris de guerre intempestifs et des djembés insensés, dans lequel on a envie de se perdre dans l'architecture faussement accidentée. C'est en fait un des morceaux les plus enthousiasmants et désinhibés entendus depuis le début d'année, et si c'est le seul extrait qu'on peut pour l'instant se mettre sous la dent, il suffit amplement à alimenter notre attente fébrile quant à ce nouveau disque.
Le second album de Jlin Black Origami sortira le 19 mai sur Planet Mu. Un premier extrait, "Nyakinyua Rise", s'écoute ci-dessous :
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