Dope Body, on les aime presque autant pour ce qu'ils font - du punk rock post hardcore tendance heroïque, brave et souvent assez original - que ce qu'ils sont - des porteurs de drapeau somme toute très courageux en terrain largement hostile.
On a déjà eu l'occasion de raconter leur histoire quelques fois, notamment dans une interview filmée il y a un an à Villette Sonique, mais elle mérite qu'on la résume une nouvelle fois: émergés de Baltimore, nouvelle mecque de l'indie US largement remplie de dingos et de bisounours, ces quatre gaillards tous très occupés ailleurs se sont retrouvés hors de leurs zones de confort respective avec une sévère envie d'en découdre avec à peu près tout ce qui clochait (et cloche encore plus fort) dans le très consensuel indie rock actuel, comme l'absence de prises de risque, la tentation de l'inconséquence et les remous retrogrades.
Un peu gamins, très largement excitants, leurs premiers disques passaient ainsi par la case "provoc" pour se faire entendre, notamment en s'abrogeant le droit de réhabiliter les riffs de Rage Against The Machine et le reggae rock façon The Clash - ce qui ne poserait pas le moindre souci dans le milieu du rock alternatif de France mais fait forcément se hérisser quelques poils chez les clients réguliers à lunettes carrées du catalogue Drag City. Dans l'ensemble, Nutting et Natural History nous ont pourtant cueilli pour ce qu'ils étaient au fond des bottes: des avatars vraiment vibrants et plus que décents du rock de Fugazi, d'autant plus convaincants qu'ils se fichaient totalement de ressembler à des hommages en bonne et due forme à la grandiose formation de DC.
Bonne nouvelle donc pour ceux qui comme les deux tiers de la rédac de The Drone aiment Dope Body envers et contre tout les vents mauvais, leur nouveau Lifer est encore plus fugaziesque, anti-consensuel et mal embouché que ses deux prédécesseurs. Largement dénué de pop, de psyché et de krautrock, ce quatrième LP qui débute, crâneur, par un solo de batterie, enchaîne les morceaux de bravoure heavy et chaotique et nous cueille au moins une fois par minute par ses accès de noise, ses riffs à la Steve Jones, ses gros refrains à tue-tête et ses powerchords groovy sans arrière-pensées.
A peu près aussi gêné que nous pour justifier leur enthousiasme, les gens de Drag City ont pondu une formule bien basse du front pour nous vendre Lifer: "these guys are either putting the balls back in 'ballistic'", formule qu'on ne se risquera pas à essayer de traduire mais derrière laquelle on se range complètement parce qu'elle en dit long sur la manière dont notre époque est, à juste titre, gênée aux entournures quand il s'agit d'expliquer les plaisirs qu'elle ressent ou ne ressent pas en écoutant du rock. Dans le morne contexte de l'indie rock actuel, le rock couillon et entier de Dope Body, c'est donc à la fois bien peu et infiniment beaucoup.
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