S'inspirer de Videodrome pour faire un disque de musique électronique, c'est très ambitieux; emprunter au film de David Cronenberg son titre, c'est à la limite de l'inconscience. Et pourquoi donc, demande le néophyte très chanceux qui ne l'a pas encore vu? Parce que c'est l'un des plus grands films de Cronenberg, l'un des plus grands films des années 1980 voire de tous les temps et que sa bande-originale frigorifique et merveilleusement texturée signée Howard Shore est absolument parfaite, lui rétorque le rédacteur fan hardcore de ce chef d'oeuvre iconique, stimulant et chamboulant à chacun de ses plans.
Videodrome (1983) Original Theatrical Trailer
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Réalisé en 1983 avec les moyens dérisoires d'une série B provinciale,
Videodrome est, de fait, le plus insolite des films à peu près tous impossibles à classer du géant canadien. Sur une trame de petit film d'horreur vaguement satirique sur l'entertainment à tout prix, l'industrie du porno et l'avènement inévitable des snuff movies, le plus
Burroughsien des cinéastes nord-américains invectivait le médium cinéma par tous les fronts et déclarait à mort la très poreuse délimitation entre réalité et fiction. Immense film théorique, réservoir inépuisable d'images denses comme de l'osmium,
Videodrome ne souffre que d'une tare aux yeux de l'Histoire du cinéma: avoir été produit avec trois fois rien et dans le contexte difficile du cinéma de genre canadien. Dieu merci, ladite Histoire et les cinéphiles du monde entier ont appris à faire évoluer leurs critères d'entrée au panthéon avec les années et finalement accepté les créateurs visionnaires du cinéma fantastique notamment (les Carpenter, Argento, Bava ou Fulci) dans le giron de la postérité.
Les repercussions sur l'imaginaire contemporain de
Videodrome sont en tout cas légions, comme le prouvent aujourd'hui (une fois de plus) Danny Broddle du Passarella Death Squad (petits protégés de
George Issakidis qui a sorti la plupart des disques du groupe sur son label
The Republic of Desire) et Alistair Wells AKA Perc en vacances provisoires de beats marteau-piqueurs. Inspirés par l'imagerie du film plutôt que son propos ou les circonvolutions byzantines de sa narration littéralement hallucinée, les deux Anglais entendent mettre en musique, étape par étape, leur souvenir ému de la fameuse scène où James Woods pénètre la matière visqueuse de son écran de télévision pour se perdre, chair et esprit dans l'orifice bucal de Debbie Harry (si cette description vous semble obscure, merci de
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Sans surprise si l'on ose dire,
Videodrome le disque étale l'indicible érotisme de la scène en longues séquences de nappes et pulsations qui, si elles n'ont rien de la force d'évocation du film dont elles s'inspirent, font un beau moment de rêverie pour qui peut prendre le temps de s'y lover et d'y rêver autre chose que les vacances qui approchent ou quel épisode de quelle série elle ou il va lancer sur l'ordinateur en rentrant en fin de journée.
Videodrome est d'ores et déjà disponible en digital sur Bandcamp, et bientôt en LP bleu transparent limité.